La stratégie de Boumediène
Qui est Houari Boumediène ? Bien peu de Français savent qu’en réalité sous ce pseudonyme il s’agit d’un fils de petits paysans de la région de Guelna, Mohamed Boukharrouba, l’animateur de la guérilla en Oranie, par la suite le chef des willayates V et VI, puis le « Carnot » de la guerre de libération et l’organisateur de l’armée des frontières avant de devenir en août 1962 le ministre de la Défense au gouvernement Ben Bella.
Bien peu se souviennent également des conditions dans lesquelles – les deux hommes s’étant opposés sur les rôles respectifs du parti, le FLN (Front de libération nationale) et de l’armée, l’ALN (Armée de libération nationale) et Ben Bella ayant cherché à l’évincer – ce fut Houari Boumediène qui gagna de vitesse son rival le 19 juin 1969, s’appuyant sur les anciens maquisards et les combattants « militaires en uniforme » qui lui demeurent fidèles et dont il fera le fer de lance de la Révolution algérienne, alors que le FLN, apparemment uni mais déchiré en réalité par de multiples tendances est alors incapable de passer à la réalisation du programme de la « Charte d’Alger » adoptée lors de son premier congrès en avril 1964.
Houari Boumediène se fixe trois objectifs : construire l’État, progressivement en partant de la base, parfaire l’indépendance par la récupération des richesses nationales, poser les bases du décollage économique et de la renaissance culturelle.
Aujourd’hui, le chef de l’État algérien peut se targuer d’avoir réussi. Le pari de l’industrialisation est en bonne voie d’être gagné : « des routes relient les 31 willayates : écoles, instituts de technologie, université, dispensaires, ont poussé de terre pour faire face aux besoins d’une population qui est passée de 10 à 18 millions d’habitants entre 1962 et 1977 et dont 75 % ont moins de 25 ans ». La révolution agraire est en marche, favorisant la transformation de la mentalité paysanne, la prise de conscience des paysans et le recul de « l’esprit de gourbi ». Le « barrage vert » ceinture le désert d’Est en Ouest. La « Charte nationale » et la Constitution ont été adoptées par référendum. Houari Boumediène a été élu président de la République en décembre 1976. L’Assemblée populaire nationale a été élue à son tour en février 1977. Cette mise en place des institutions s’est opérée de façon incontestablement démocratique créant un régime multipartite qui laisse à l’opposition une certaine marge d’expression. Sur le plan extérieur, la diplomatie algérienne s’est avérée très manœuvrière et très dynamique à la fois. Elle a accueilli la Conférence des non-alignés en 1973, elle a pris l’initiative de l’idée d’un nouvel ordre économique international et son chef, M. Abdelaziz Bouteflika, homme habile et brillant, détient, rappellent les auteurs, deux records, celui d’avoir été le benjamin des ministres des Affaires étrangères dans le monde, et celui d’être aujourd’hui leur doyen puisqu’il détient son portefeuille depuis 1963.
Paul Balta, correspondant permanent du Monde à Alger depuis 1973 et sa femme. Claudine Rulleau, reporter spécialiste du Maghreb et du Machreq, présentent dans cet ouvrage tout d’abord un portrait du maître de l’Algérie d’aujourd’hui ; ils analysent ensuite la stratégie qui guide son action et ils présentent les textes de ses discours et déclarations qui permettent de se faire une idée précise de cette stratégie explicitant les axes de sa politique intérieure et le jeu de l’Algérie dans le monde. Des listes de responsables politiques et des gouvernements algériens ainsi qu’une chronologie sommaire de 1926 à 1953, détaillée de 1953 à 1977, permettent au lecteur de retrouver facilement le fil des événements.
Favorable à l’homme d’État que Paul Balta connaît personnellement et pour lequel il ne cache pas sa sympathie, ce livre est un document de base utile à tous ceux qui veulent aujourd’hui comprendre l’Algérie et l’action de l’homme providentiel qu’elle a eu la chance de trouver à un moment difficile de son histoire. ♦