Cinquante bateaux pour sauver le monde
Le titre, dans son raccourci, évoque le message adressé par Winston Churchill au président Roosevelt le 15 mai 1940, demandant notamment, dans l’immédiat, le prêt de 40 ou 50 vieux destroyers, la cession de « plusieurs centaines d’avions du tout dernier modèle », des armes antichars avec leurs munitions, de l’acier. À la date du message, en effet, le front allié vient d’être rompu près de Sedan, les forces allemandes s’engouffrent dans la brèche ainsi créée, et la Grande-Bretagne, dont les forces d’escorte se révèlent très insuffisantes, voit déjà le nombre de ses avions en état de combattre sérieusement amputé.
La demande de Churchill était pressante, justifiée, et elle devait être renouvelée et amplifiée au fur et à mesure de l’aggravation de la situation, mais elle s’adressait à une Amérique qui n’était, à l’époque, ni matériellement ni psychologiquement prête à combattre. Le président Roosevelt éprouvait personnellement pour le régime hitlérien une répulsion qui lui faisait ardemment souhaiter la victoire alliée, mais 1940 était une année d’élection présidentielle et le sentiment pacifiste était encore profondément ancré chez bon nombre de membres du Congrès.
Le livre de Philippe Goodhart montre comment se développa, au milieu de luttes juridiques, de réticences des états-majors, d’interventions isolationnistes, l’action prudente, mais lucide et tenace du président Roosevelt. Le besoin qu’éprouvait l’Amérique de bases dans l’importante zone stratégique des Caraïbes amorça une solution au problème le plus controversé, celui de la cession des navires. Le 2 septembre 1940 était signé l’accord transférant à la Grande-Bretagne les cinquante destroyers demandés. Le 27 mars 1941 étaient signés les accords sur la location des bases.
Ces faits, naturellement, ont été évoqués dans plusieurs ouvrages, mais celui de Philippe Goodhart constitue le premier récit complet de cette transaction historique. Les archives nombreuses et sérieuses auxquelles l’auteur a eu accès, tant aux États-Unis qu’en Grande-Bretagne, les entretiens qu’il a pu avoir avec plusieurs chefs des opérations navales de la Seconde Guerre mondiale confèrent à ce récit un intérêt tout particulier. ♦