L’univers politique
Ce petit ouvrage, paru à la veille des élections de mars 1978, pouvait être interprété à l’époque, comme une sorte de mise en garde des électeurs quant aux buts réels poursuivis par les hommes et les partis qui sollicitaient leurs suffrages. Il dépassait cependant de beaucoup ce simple propos conjoncturel.
Jacques Baguenard, maître-assistant de droit public à l’Université de Rennes, étudie en fait le fonctionnement de ce qu’il appelle notre univers politique tout comme il aurait analysé la marche d’une grande entreprise avec la rigueur et l’objectivité d’un scientifique. Il s’efforce d’en identifier les principaux rouages, de comprendre leur agencement et de dégager les règles de leur interaction. Celle méthode se révèle comme un excellent moyen de cerner la finalité de cet ensemble complexe d’idées et d’appétits.
La finalité en cause, c’est la conquête du pouvoir et elle seule. Mais le jeu politique consiste essentiellement à camoufler cette ardente et unique ambition en misant sur l’inhibition créée par la magie des mots. « L’univers politique est le monde du verbe, avant ou au lieu d’être celui de l’action », nous dit l’auteur. Et il éclaire cette remarque par un rapprochement dont nous avons tous pu récemment constater l’exactitude : « le combat politique s’identifie à une conquête de marché, et les luttes électorales paraissent se conformer de plus en plus fidèlement aux préceptes du marketing commercial ». Le succès en politique dépend donc moins de la nature de la marchandise qu’on veut vendre que de la façon de la proposer. La démocratie représentative dans laquelle nous vivons appâtait ainsi comme fort éloignée, hélas d’un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. On s’en doutait ! Mais Jacques Baguenard nous explique avec beaucoup de lucidité pourquoi il ne peut en être autrement. ♦