Le Kominform
Les non spécialistes ont tendance à confondre quelque peu le Komintern et le Kominform. De notables différences existent cependant entre la IIIe Internationale, disparue en 1943, après avoir joué le rôle que l’on sait dans l’organisation du mouvement communiste mondial, et le Bureau d’information des partis communistes, créé en 1947, un peu comme une réplique à la doctrine Truman et au plan Marshall. Beaucoup moins structuré que son prédécesseur, n’ayant de permanent que le journal d’idées et de doctrines dont il assurait la publication (Pour une paix durable, pour une démocratie populaire), plus européen qu’international, le Kominform a cependant joué, jusqu’à sa disparition en 1956, un rôle primordial comme maître à penser des tenants de l’idéologie communiste.
C’est par son intermédiaire que le PC de l’Union soviétique, en formulant et en imposant ses orientations aux pays frères, a réussi à maintenir dans son obédience la quasi-totalité des PC européens (la dissidence titiste lui donnant paradoxalement les moyens de renforcer encore son emprise).
Écrire l’histoire du Kominform était une entreprise difficile, car en dehors du journal et de ce qui fut rendu public, à l’époque, sur les trois seules réunions plénières jamais tenues, le Kominform a toujours entouré son activité d’un grand secret, et ses archives, après sa dissolution, ont été emportées à Moscou où elles ne peuvent être consultées. Lilly Marcou, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de la Fondation nationale des sciences politiques, a donc eu une tâche difficile car elle ne pouvait évidemment se contenter d’impressions et d’à peu près. Elle a su avec bonheur, pallier la rareté des documents par leur analyse intelligente et méticuleuse, recueillir des témoignages de première main auprès de ceux qui avaient directement participé à l’action du Bureau d’information, rassembler, comparer et recouper des données éparses permettant d’éclairer tel ou tel aspect des problèmes.
Le résultat est un ouvrage dense, mais écrit dans un style élégant qui n’est pas habituel aux thèses, souvent laborieuses, des doctorats d’État. Il est, en outre, tout à fait d’actualité : à un moment où les dirigeants du PCF multiplient les déclarations doctrinales, on trouvera certainement intéressant de confronter celles-ci avec les vérités révélées que diffusait il y a à peine vingt ans le Kominform et qui étaient à cette époque reçues avec ferveur par tous les adeptes du culte stalinien.
La Fondation nationale des sciences politiques, en tant qu’éditeur, a fait un effort de présentation dont nous la félicitons vivement. L’aspect rébarbatif qu’elle donnait jadis aux ouvrages qu’elle éditait n’incitait pas alors à leur lecture. Il n’en est plus de même désormais. ♦