Les feux du crépuscule
Il n’est guère besoin de présenter au public Michel Droit, romancier, journaliste, voyageur. Il est suffisamment connu, en particulier des téléspectateurs, ne serait-ce qu’en raison des « relations privilégiées » qu’il a entretenues avec le général de Gaulle dont il fut l’un des interlocuteurs préférés lorsque le chef de l’État désirait faire passer un message aux Français par le truchement d’une interview télévisée.
L’ouvrage de souvenirs que nous présente aujourd’hui Michel Droit a été construit à partir de ses notes personnelles pour les années cruciales, 1968, 1969 et 1970, de la Ve République. Certes ! il a dû procéder à un choix et à des arrangements. Mais ceux-ci n’ont pas nui à la fraîcheur des impressions notées sur le vif et au jour le jour, de sorte que le lecteur éprouve l’illusion d’être replongé dans l’actualité. Il s’étonne même parfois de la perspicacité de l’auteur, en fait très relative, puisqu’en écrivant son livre, il connaissait la suite des événements et pouvait donner tous les coups de pouce voulus à ce qu’il avait consigné quelques années plus tôt dans son carnet.
Les temps forts de ces souvenirs sont évidemment les entretiens privés que Michel Droit a eus avec le général, notamment pour la préparation des interviews, préparation à laquelle celui-ci attachait une grande importance. Ces entretiens n’apportent à vrai dire aucune révélation particulière, ni sur la personnalité du général de Gaulle, ni sur sa façon de concevoir l’exercice du pouvoir. Ils y ajoutent cependant, par ci, par là, quelques traits supplémentaires qui sont loin d’être dénués d’intérêt, s’agissant d’un personnage de cette stature. Le plus intéressant de ces entretiens est sans doute le dernier, qui eut lieu à La Boisserie, à l’initiative du général, lorsque celui-ci ayant abandonné ses fonctions, avait voulu consulter Michel Droit sur certains détails relatifs à l’édition du premier tome de ses Mémoires d’Espoir. À travers le récit de Michel Droit on découvre un de Gaulle retraité assez différent du héros épique foudroyé que nous avait présenté Malraux dans « Les Chênes qu’on abat ». Mais la simplicité des attitudes et des réflexions, pour ne plus être à proprement parler gaulliennes dans le sens tonitruant du terme, accentuent sans doute la véritable grandeur du personnage, auquel, soit dit en passant, son interlocuteur vouait une admiration inconditionnelle.
En contrepoint de ces quelques moments privilégiés. Michel Droit égrène des réminiscences plus banales et quotidiennes, à base surtout de dîners en ville, de bons mots et de petites phrases recueillis dans les cercles politiques et littéraires tenant de très près à l’establishment et aux ambassades. Observateur averti, connaisseur et gourmet, il n’est jamais ennuyeux, même dans les futilités. Nous ne pensons pas qu’il se soit sérieusement proposé, du moins dans le présent ouvrage, d’autre ambition que celle-là. ♦