Bilan d'une première année d'après-franquisme qui a vu la jeune monarchie espagnole prendre habilement le virage nécessaire sans dérapage, sans heurts graves, et mettre le pays sur la voie d'une authentique démocratie.
Espagne 1976 : les chances de la démocratie octroyée
Quand bien même certaines dictatures finissantes caressent parfois ce dessein, rares sont les régimes autoritaires qui parviennent effectivement à se transformer de leur propre chef et sans rupture institutionnelle en démocraties conformes au modèle occidental. Le président Caetano n’a pu tenir cette gageure au Portugal. Les colonels grecs n’ont pas davantage réussi à convaincre leurs concitoyens des mérites de la démocratie contrôlée qu’ils prétendaient installer. Aujourd’hui, les efforts menés par le président Sadate et le roi Hassan II pour « démocratiser » l’Égypte et le Maroc par le biais d’élections pluralistes et relativement libres apparaissent tout aussi fragiles et aventureux. En définitive, le seul exemple quelque peu convaincant à cet égard se réduit à celui de la Turquie, où la démocratisation octroyée par les gouvernants plutôt que conquise par l’opposition ou les masses populaires ne s’est d’ailleurs pas opérée sans soubresauts dramatiques et sans retours en arrière.
Qu’adviendra-t-il en Espagne, où la nouvelle monarchie établie selon le dessein du général Franco prétend instaurer à son tour un régime démocratique concédé par elle plutôt qu’issu de la conquête du pouvoir par les opposants à la dictature en vigueur de 1936 à 1975 ? Certes, le niveau social, économique et culturel de l’Espagne diffère sensiblement de celui d’autres pays où des projets similaires ont échoué, y compris en ce qui concerne le Portugal. Cependant, la tradition démocratique passée de l’Espagne, de même que sa modernisation économique et sociale récente constituent des facteurs ambivalents, dont on ne sait trop s’ils doivent favoriser ou faire obstacle à la démocratisation « préfabriquée » par Juan-Carlos 1er et ses ministres. Peut-on édifier une démocratie en laissant la plupart des « démocrates » de longue date en dehors de sa construction, surtout lorsque ceux-ci se sentent frustrés d’un rôle constituant qu’ils aspirent à jouer depuis des décennies ?
Chronique d’une année : du vieux chef au jeune roi
Au moment où nous écrivons, une année s’est écoulée depuis la mort du général Franco et le couronnement du roi Juan-Carlos. À la fois décisive et singulièrement vide de changements très immédiats, cette année importe autant pour tout ce qui s’est accompli depuis novembre 1975 que pour tout ce qui ne s’est pas produit depuis ce moment.
Il reste 88 % de l'article à lire
Plan de l'article