La gnose de Princeton / Le cœur conscient /L’Union soviétique survivra-t-elle en 1984 ? / Louis XIV et vingt millions de Français / Du Pouvoir. Histoire naturelle de sa croissance / Le Pouvoir / Essai sur les libertés
Raymond Ruyer : La gnose de Princeton. Cet ouvrage était paru en 1974 chez Fayard. La présente édition comprend une préface permettant de mieux situer sur le plan historique et philosophique ce mouvement créé aux États-Unis en 1969 par des savants anglo-saxons, disciples de Planck et d’Einstein, qui avaient constitué un groupe de recherche visant à poser d’une manière nouvelle le problème des relations entre la morale, la religion et la science.
Il est intéressant de confronter ce premier ouvrage de R. Ruyer à celui qui vient de paraître chez Fayard intitulé Les cents prochains siècles et qui complète le premier. Le lecteur découvrira dans ces deux ouvrages le Dieu des gnostiques de Princeton dont la conception ne repose ni sur la morale, ni sur l’idéologie mais qui, selon R. Ruyer, ne contredit pas non plus la science, renouvelant le débat que suscitèrent les thèses de Teilhard de Chardin.
Toute une démarche scientifique est ici minutieusement décrite dans le but d’établir les fondements d’une nouvelle sagesse et de répondre au problème de l’évolution biologique, du temps, de la mort et de l’immortalité.
Certains demeureront sceptiques face aux interprétations philosophiques et religieuses qui en découlent, mais cette recherche de la foi par la science mérite qu’on s’y arrête, dans son refus total du fanatisme et des tabous.
L’ouvrage de Bruno Bettelheim : Le cœur conscient, paru chez Laffont en 1972 mais édité en 1960 chez « The Free Press » est d’un tout autre genre bien qu’il se réfère également de plus ou moins loin à une sorte de recherche de l’homme, sur ses sources et le sens de sa vie. Cette réédition survient au moment où un autre ouvrage de l’auteur attire l’attention du public. Il s’agit de la Psychanalyse des contes de fées. L’auteur, spécialiste des enfants autistiques et ancien interné de Dachau, offre ici un « manuel de survie », à la fois souvenir des camps nazis et essai sur les possibilités qu’a l’individu de se libérer du milieu et des conditions matérielles qui l’entourent et affectent son psychisme. B. Bettelheim analyse les mécanismes coercitifs du pouvoir totalitaire et les moyens de défense de l’individu, les hommes n’étant « pas des fourmis » et la vie ayant « un prix » pour eux.
Ce n’est plus l’actualité littéraire, mais cette fois une récente actualité politique qui remet en lumière l’ouvrage d’Andreï Amalrik : L’union soviétique survivra-t-elle en 1984 ? paru en 1970. Il se réfère également à un système totalitaire, mais il s’agit de celui de l’URSS.
Si le texte central n’a pas été remanié, il est complété par une biographie – instructive – de l’auteur, un avant-propos postérieur à son émigration (en août 1976) et comporte en plus de la préface d’Alain Besaçon de 1970, une postface montrant comment l’auteur consacre sa vie à faire savoir aux Occidentaux ce qui se passe en URSS. Des articles et des lettres complètent cette édition, enrichissant ce témoignage qui s’ajoute à présent à de nombreux autres de ce genre et qui constituent une utile leçon d’histoire…
C’est encore d’histoire qu’il s’agit avec Pierre Goubert : Louis XIV et vingt millions de Français. L’ouvrage paraissait pour la première fois en 1966 chez Fayard. Cette réédition accompagne la parution de Clio parmi les hommes, autre ouvrage de P. Goubert sur l’histoire.
Celui dont il s’agit ici vise à informer le grand public des progrès de la recherche historique dans le domaine précis du règne du Roi Soleil. Il est accompagné d’une chronologie détaillée et d’une bibliographie d’ouvrages de référence mise à jour. La nouvelle préface de l’auteur reprend les idées centrales de son étude sans hélas situer l’ouvrage dans l’évolution de sa propre pensée d’historien ni mentionner les nouvelles approches de cette période depuis 1966.
La réédition du grand ouvrage de Bertrand de Jouvenel : Du Pouvoir ; Histoire naturelle de sa croissance rend à nouveau disponible l’étude parue pour la première fois en 1945 (rééditée en 1972 chez Hachette). Il serait inutile de faire l’éloge du livre et de l’auteur s’il ne fallait périodiquement attirer l’attention des hommes sur les ouvrages de bons sens et signaler plus particulièrement les analyses impérissables des phénomènes politiques. Ici B. de Jouvenel étudie plus particulièrement le processus du « gonflement du pouvoir » face auquel la « résistance des sujets a diminué et s’est effondré avec le triomphe de la démocratie ».
La fameuse « chambre des machines » d’où « l’on meut les sujets à l’aide des leviers toujours plus puissants dont disposent les hommes du pouvoir » est devenue une image classique pour décrire un phénomène qui n’a fait que s’accroître depuis que l’ouvrage a été rédigé.
Mais ce n’est pas seulement ce phénomène toujours actuel qui incite à reprendre en main l’ouvrage, c’est ainsi la parution des Mélanges Georges Burdeau : Le Pouvoir à la Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence (LGDC). S’il s’agit d’une approche toute différente qu’on ne saurait dire complémentaire, elle permet d’aborder le problème en profondeur et offre l’occasion d’une intéressante confrontation.
Raymond Aron : Essai sur les libertés est un classique tout aussi réputé qui était paru en 1965 chez Calmann-Lévy. L’auteur s’y situe dans la lignée intellectuelle de Montesquieu et Tocqueville et s’efforce de répondre à la question : « Est-il possible de préserver la liberté à l’âge de la croissance économique et du progrès ? ». Il s’efforce également de mieux cerner l’antinomie entre les libertés réelles et les libertés formelles. Son étude repose sur une confrontation entre Tocqueville et K. Marx, entre l’avocat d’une liberté politique fondée sur la légitimité et le tenant des libertés réelles.
Tout en tenant compte des critiques de la gauche à rencontre de la « démocratie libérale », il ne voit guère de solution plus heureuse que celle du respect des institutions de la démocratie représentative.
Une postface récente de l’auteur complète et justifie son plaidoyer pour la liberté formelle. Il l’illustre à l’aide de quelques exemples récents montrant que la conception libérale est plus satisfaisante que celle qu’en font les communistes, et il dénonce au passage les confusions terminologiques et les abus de langage. ♦