Naval Policy Between the Wars
Le capitaine de vaisseau Stephen Roskill, ancien de la Royal Navy, écrivain et historien bien connu des amateurs d’histoire navale, grâce en particulier aux trois tomes de son ouvrage The War at Sea, sur la guerre maritime de 1939 à 1945, a publié récemment le deuxième volume d’une étude consacrée à la politique navale entre les deux guerres mondiales. Le premier, publié en 1968 portait en sous-titre : « The Period of Anglo-American Antagonism 1919-1929 », celui-ci s’intitule : « The Period of Relactant Rearmament ».
Passionnants pour un marin, ces deux livres dépassent de très loin en intérêt le point de vue étroit des marins britanniques et américains qui sont l’objet principal de ce travail. Il permet en effet de pénétrer dans la préparation des deux traités de Londres et de Washington qui sont en fait la première tentative de limitation des armements, c’est-à-dire de ce qu’on appelle aujourd’hui « arms control » et qui font l’objet, pour les armements nucléaires, des conversations entre Américains et Soviétiques connues sous le nom de SALT. L’échec de la tentative des années 20, dû essentiellement à l’action des Japonais et des Allemands, allait relancer une course aux armements navals à laquelle devaient participer la France et l’Italie, alors puissances maritimes moyennes.
Au milieu d’événements très divers, qui vont du sabordage de la flotte allemande à Scapa Flow en 1919 à la guerre d’Espagne en 1939, on voit également les états-majors britannique et américain se débattre dans de multiples difficultés politiques et financières, réviser leurs stratégies fondamentales avec plus ou moins de bonheur, et l’on voit apparaître les incohérences d’un pacifisme réduisant leurs moyens tout en les engageant dans des aventures. Lord Chatfielt, premier lord de la mer, constate ainsi, après 1930, que l’on désarme la marine royale d’un côté pour soutenir d’un autre une politique dite « sécurité collective » devant fatalement l’amener à intervenir partout dans le vaste monde.
Bien des germes des désastres alliés de la deuxième guerre mondiale se profilent au long de ces pages, où l’on voit comment certaines batailles ont été perdues bien des années avant d’avoir été livrées parce que, par exemple. Royal Navy et Royal Air Force n’ont pu s’entendre qu’en 1938 sur l’aéronautique navale embarquée, ce qui a poussé la première à trop mettre l’accent sur les cuirassés, alors que la marine américaine, libre de ses mouvements dans le domaine aérien, développait une aviation qui devait gagner la guerre du Pacifique.
Le lecteur français regrette la trop faible part consacrée à notre pays et à sa politique navale. Cette étude montre tout l’intérêt et le bénéfice que pourrait présenter une étude semblable menée à partir de nos archives, en les comparant à celles des autres pays. Elle pourrait être fort instructive actuellement, alors que nous retrouvons bien des problèmes analogues pour nos programmes militaires et la préparation des budgets. Les situations ne sont, certes, jamais identiques, mais que d’erreurs pourraient être évitées ! ♦