Les dessous de l’expédition de Norvège 1940
Ce volumineux ouvrage qui porte sur un épisode relativement bref et peu connu de la « Drôle de guerre » (avril-mai 1940) est l’œuvre d’un témoin et d’un acteur, le colonel du Pavillon, alors capitaine adjoint de la 5e Demi-brigade de chasseurs alpins. Il présente les qualités et les défauts d’un livre de souvenirs. Ces qualités sont nombreuses : le grand nombre de détails vécus qui recréent bien l’atmosphère d’une expédition dans les régions nordiques, sur un théâtre d’opérations périphérique posant de multiples problèmes : problèmes logistiques (importance de la marine, difficultés du ravitaillement, lutte contre le froid et combats en montagne) ; problèmes de coordination entre les états-majors terrestres et navals anglais et français : problèmes de direction à grande distance, qui expliquent les avatars de cette expédition prévue pour aider la Finlande contre l’URSS, réorientée contre Narvik après l’armistice russo-finlandais, pour couper la route du fer, et enfin dirigée sur Namsos (Norvège centrale) pour former l’une des deux branches de la tenaille destinée à s’emparer de Trondheim.
Le récit se déroule comme un film au jour le jour et même heure par heure. Aux souvenirs et témoignages se mêlent des documents d’époque : photographies, cartes, extraits de journaux, notes confidentielles émanant du commandement ou du gouvernement. L’inconvénient de ce type d’exposition est une certaine monotonie, voire des répétitions ou des longueurs et une impression d’éparpillement qui fait perdre la vue d’ensemble. Aussi ce livre relève-t-il plus de la chronique que de l’histoire. En contrepartie les « anciens », en particulier ceux de la 5e Demi-brigade de chasseurs alpins pour qui ce livre est écrit, y retrouveront maint souvenir émouvant.
Des conclusions, intéressantes pour la grande histoire, s’en dégagent néanmoins. Tout d’abord le manque d’initiative franco-anglaise face à un adversaire allemand décidé : alors qu’il existait un plan Weser allemand (cf. p. 91 et sq.). sorte de guerre éclair maritime, fondé sur une coordination aéronavale et une « cinquième colonne » en Norvège s’appuyant sur le chef du parti nazi Quisling, les Franco-Anglais ne cessent d’hésiter entre plusieurs objectifs, d’où la faiblesse de cette expédition due à l’absence de moyens aériens et à l’insuffisance de la couverture antiaérienne. L’échec de Namsos est lié à la supériorité aérienne allemande qui sera également essentielle pendant la campagne de France.
La seconde conclusion de l’auteur est la responsabilité anglaise : alors que ce sont les Anglais qui mettent sur pied l’opération en Norvège centrale, ils sont les premiers à faire machine arrière quand les événements déjouent leurs prévisions et finalement forcent les Français à rembarquer « Chamberlain l’annonçant même à la Chambre des Communes avant que rien ne soit commencé sur place » (p. 293). Enfin, malgré le courage des troupes confrontées à une situation naturelle et matérielle difficile, apparaît le cruel défaut d’une conduite politique et militaire de la guerre cohérente, au plus haut niveau. Ce qui ne fut que déplorable sur ce théâtre d’opérations périphérique, fut tragique en France le mois suivant. ♦