Traité de démographie
C’est une œuvre considérable que l’ancien ministre, Adolphe Landry, vient de publier à la librairie Payot, avec la collaboration d’Henri Bunle, Pierre Depoid, Michel Huber et Alfred Sauvy. Il y envisage tous les aspects de cette science relativement récente, qu’est la démographie, mais l’ouvrage traite exclusivement de démographie humaine.
Celle-ci considère le problème de la population sous sa face à la fois quantitative et qualitative. Cependant, quelle que soit l’étendue de cette dernière, qui étudie spécialement les qualités des êtres humains, – physiques et physico-intellectuelles –, Adolphe Landry a limité son œuvre (et elle est déjà considérable) à la démographie quantitative ou démographie au sens étroit du mot, selon la conception même du livre. Cette démographie est d’abord histoire, puis elle devient théorie quand elle s’efforce d’expliquer les faits et de les rendre intelligibles. Enfin, elle tente de se transporter dans le domaine pratique pour examiner s’il est possible d’établir une doctrine, c’est-à-dire de fonder des jugements de valeur sur les situations démographiques, « lesquels jugements permettant de décider ce qu’il y a lieu de faire à l’égard de ces situations ». Enfin, viendra la politique, laquelle s’occupera des moyens à employer pour arriver aux fins qu’on se sera données. C’est dire l’ampleur de l’enquête à laquelle se sont livrés Adolphe Landry et ses collaborateurs.
Elle embrasse successivement la population à travers l’histoire, la distribution géographique et la structure des populations, le mouvement naturel de la population, la natalité et les migrations.
Adolphe Landry a voué une grande partie de sa carrière et de ses efforts politiques à l’œuvre nationale de la Natalité française. Il consacre le dernier chapitre à la politique même de la population et, pour employer le mot malheureusement un peu trop répandu, bien que nécessaire en notre pays, à la repopulation. Il conclut, en des termes d’une haute moralité : « La politique démographique s’impose aujourd’hui, à travers le monde, beaucoup plus que par le passé, à l’attention non seulement des hommes d’État, mais de tous ceux qui s’intéressent au destin de leur pays et à la marche générale des affaires humaines. Jusqu’à l’époque contemporaine, mises à part de telles exceptions qui ont pu se présenter, les faits démographiques étaient réglés, pour parler comme Cicéron, par des dieux immortels, ou par la nature, même de toutes choses. D’ailleurs, on n’avait pas besoin de travailler à augmenter la natalité, on ne savait guère la restreindre, et on ne savait pas combattre la mortalité normale non plus que les mortalités exceptionnelles. Aujourd’hui, la baisse de la natalité a créé dans certains pays le danger de la dépopulation, tandis qu’ailleurs la baisse de la mortalité créait celui du surpeuplement. Là où, soit l’un, soit l’autre de ces dangers se manifeste, il devient nécessaire d’agir, nous voulons dire d’agir dans le domaine démographique lui-même. »
Il est inutile de souligner l’intérêt que peut présenter pour l’homme d’État ou même pour tout Français, soucieux de l’avenir d’une nation, victorieuse, mais exsangue, l’étude d’une œuvre d’une telle envergure.