Maillé Brézé, général des Galères, grand amiral (La Marine de Richelieu)
M. René La Bruyère, de l’Académie de Marine, n’est pas seulement un spécialiste apprécié des questions navales contemporaines, il aime également à fouiller les archives du temps passé ; nous lui devons un très joli livre sur Henri IV, Charlotte de la Trémoille et son page.
C’est vers la même époque que se sont, cette fois encore, orientées ses recherches. Le portrait qu’il nous trace du grand amiral Maillé Brézé, général des Galères, dans sa brève et fulgurante carrière, se détache avec bonheur sur l’histoire générale de la Marine sous Richelieu. C’est en effet, on l’oublie trop souvent, aux efforts de l’illustre homme d’État sur mer que sont dus plusieurs de ses triomphes politiques. Si, le 24 octobre 1648, la France obligeait les Impériaux, qui avaient pourtant forcé le passage de la Somme à Corbie, moins de dix ans auparavant, à signer le traité de Westphalie – la première grande capitulation germanique – assurant la sécurité des frontières françaises pendant près de deux siècles, c’est que la flotte espagnole avait été, préalablement, écrasée sous les coups réitérés de la jeune marine du Cardinal, qui l’avait confiée à son filleul bien aimé, le génial et intrépide Maillé Brézé. Aucune vie n’était plus capable d’attirer un brillant écrivain que celle-ci : colonel à quinze ans, général des Galères à vingt ans, vice-amiral chef d’escadre à vingt et un ans, lieutenant général commandant en chef des armées navales du Roy à vingt-deux ans, Maillé Brézé conduit six campagnes sur mer, remporte trois grandes victoires dont celle de Barcelone, justement qualifiée de « Rocroy naval », et, à vingt-sept ans, au moment où il allait gagner la quatrième devant Orbitello, est coupé en deux sur le pont du Grand-Saint-Louis, à la tête de ses escadres.
Rien ne démontre mieux son inestimable valeur que l’éclipsé qui suit immédiatement sa disparition. Il faudra attendre Colbert et les disciples du duc de Brézé, pour voir les marins français se relever de ce désastre.
Le livre de M. René La Bruyère n’est pas seulement une biographie, c’est aussi l’évocation, pittoresque et documentée, de tous les milieux maritimes sous Richelieu, et une étude parfaitement compétente du rôle de la Galère, alors à son apogée, mais qui ne va pas tarder à être supplantée, peu à peu, par le grand vaisseau à voiles.
M. René La Bruyère a, très heureusement, montré que le jeune général des Galères avait su réellement créer l’unité du commandement dans des conditions parfois fort difficiles et comment il fut, à la fois, le dernier des grands chefs de la marine féodale et le premier des amiraux de la marine à voiles, digne précurseur d’un Tourville.
Au-dessus de ce récit, plane la figure de Richelieu, géant de la politique française, créateur d’une puissance navale alors éphémère, mais pourtant indispensable à la grandeur du Royaume.