La Belgique et la crise européenne
Ces deux volumes dont l’un compte 507 pages et l’autre 235, plus les annexes, ont trait au rôle qu’a joué la Belgique dans la crise européenne de 1914 à 1945.
Le premier tome décrit les événements jusqu’au 25 juin 1940 et le tome II ceux qui se sont écoulés depuis cette date jusqu’à la victoire des Nations alliées. Une grande partie du tome I fut imprimée clandestinement sous l’occupation allemande même, à Villeneuve-sur-Lot, où l’auteur s’était réfugié.
M. Wullus Rudiger déclare qu’il a dans l’un et dans l’autre livre tendu à l’objectivité, « la plus complète, condition essentielle de la science historique ». Ce souci ne l’empêche pas, du reste, de donner à ce récit une allure extrêmement vivante. Si toute la première partie, jusqu’à la guerre européenne de 1939-1940, n’apporte pas de révélations décisives, elle constitue cependant un résumé suffisamment complet et très clair, aussi bien de la guerre de 1914-1918 que des préludes à la suivante. Dans le récit qui évoque les événements de la seconde guerre européenne, la Belgique tient naturellement une place privilégiée, et M. Wullus Rudiger consacre notamment des pages fort intéressantes au projet de l’État-major français relatif à une campagne dans son pays, amorcée dès le 16 novembre 1939 par une note du général Gamelin qui écrivait : « Il est d’un intérêt capital pour la France de pénétrer en Belgique ; nous poussons ainsi la guerre hors de nos frontières et protégeons au mieux notre région industrielle du Nord. »
L’historien belge ne cache point, d’ailleurs, que ses compatriotes eurent tort, sous prétexte de neutralité, de s’endormir parfois dans une fausse sécurité ou une confiance exagérée envers l’Allemagne, et que, prenant leurs désirs pour des réalités, ils ne demandèrent souvent qu’à ajouter foi aux thèmes de la propagande allemande selon lesquels l’Allemagne pouvait vivre largement sur ses succès à l’Est et n’avait aucun intérêt à envahir la Belgique.
On lira avec une attention particulière les pages relatives à l’envahissement du territoire belge, notamment la prise du fort d’Eben-Emael ainsi que des ponts de Vroenhoven et de Veldwezelt et du canal Albert, enfin, le récit des derniers efforts héroïques de l’Armée belge et des forts de Liège. La thèse de l’auteur est toute favorable à son pays ; il n’hésite pas à écrire que le drame de la capitulation de Léopold III apparaîtra dans l’histoire comme le drame du désaccord et de l’impréparation militaire franco-britannique.
L’historien belge approuve complètement la décision du souverain de ne point quitter le territoire et traite de « néfaste malentendu » la décision prise par le Gouvernement, dans une interprétation fausse de la situation militaire, tant au point de vue général qu’au point, de vue belge.
Les chapitres qui traitent de la guerre, après le 25 juin 1940, tracent un tableau assez superficiel de la lutte internationale, mais donnent d’intéressants détails sur la situation en Belgique occupée (administration, déportation, travail en Allemagne, pillage ennemi). C’est un honneur pour les Belges que d’avoir mérité ce jugement d’un groupe collaborationniste, qui en juin 1941 déclarait : « Ils haïssent l’Allemagne ; les Wallons, en tout cas, ne se laisseront pas assimiler. » Le chapitre X nous fournit de suggestifs détails sur la clandestinité belge, sur l’action de ses 60 000 membres, répartis en cinq secteurs, sur le travail de sabotage fourni par la résistance belge, à laquelle le général Eisenhovver rendit, d’ailleurs, un juste hommage.