Témoignage
M. Albert Lebrun avait été souvent sollicité par ses amis d’écrire ses mémoires ; il s’y était jusque-là refusé, invoquant les précédents d’Émile Loubet ou d’Armand Fallières. Cependant, il avait comme exemple le monument imposant que constituent les dix volumes de Raymond Poincaré, où est si magistralement traitée l’histoire de la guerre 1914-1918. Sous un format infiniment plus modeste, puisque le livre ne comprend que 260 pages, M. Albert Lebrun a, cependant, tenu à consigner quelques témoignages, pour servir à l’histoire de la guerre, avec une impartialité et une pondération qui ont toujours été comme la marque de son esprit et de son action.
L’ancien Président de la République montre, par des exemples irréfutables, comment mourut la paix : il établit les responsabilités de la guerre ; il marque avec force que la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne ne fut nullement, comme on l’a prétendu, inconstitutionnelle.
Le récit des jours sombres qui menèrent son gouvernement jusqu’à Bordeaux est, dans sa simplicité, profondément émouvant, ainsi que le rappel des conditions qui entourèrent la signature de l’armistice et sur sa disparition du pouvoir. M. Albert Lebrun ne dit rien qui ne soit, en somme, connu ; mais le rôle de Pétain et, surtout, celui de Laval, y apparaissent en pleine lumière, non point à l’avantage de ces deux protagonistes d’un régime personnel, qui ne pouvait fonctionner que grâce à l’ennemi vainqueur.
Après le récit plein d’humour de sa déportation en Allemagne, M. Albert Lebrun cherche, dans un chapitre intitulé « Le futur traité de paix », à mettre en garde les Nations unies contre les fautes qui compromirent si gravement la victoire de 1918. Le dernier chapitre intitule « Grandeurs et Servitudes de la Présidence de la République », est plein de sagesse. Espérons que les conseils de M. Albert Lebrun serviront à ceux qui assumeront la grande tâche de donner à la France sa nouvelle constitution.