La France en général
Le titre choisi pour ce livre en donne l’avant-goût. Dans un ouvrage consacré à de Gaulle et aux Français, c’est un premier « bon mot » ; ils vont, dans la suite du texte, se succéder en rafales ininterrompues, au point d’obscurcir par moments les véritables intentions de l’auteur. A-t-il voulu faire autre chose qu’un très brillant exercice de style ? Et n’est-on pas confronté dans cette impression lorsqu’on s’aperçoit qu’il ne relate aucun événement qui ne soit archiconnu, ne rapporte aucun propos du Général qui n’ait été cent fois cité, et ne fait aucune révélation qui puisse répondre aux curiosités habituelles du lecteur ?
Il s’agit, en fait, d’une sorte d’essai d’interprétation d’un moment de l’histoire. On y retrouve un peu de la manière d’un peintre qui veut rendre sensible ce qui se cache pour lui derrière les apparences, ou d’un musicien qui cherche à communiquer les impressions qu’il ressent en observant les saisons, les laboureurs ou les oiseaux. Le sujet traité est évidemment propre à appeler l’inspiration, surtout chez un homme qui, comme l’auteur, a toujours été animé d’un certain mysticisme. Mais il nous semble qu’au-delà de son héros, André Frossard, élevant le débat, a également voulu célébrer la race des Grands Hommes d’État (avec des majuscules), dont de Gaulle a été l’un des derniers représentants dans un monde qui s’en remet de plus en plus, pour le diriger, à des équipes de spécialistes et à des ordinateurs sans âme. Dans la vieille controverse qui oppose les tenants des pesanteurs inéluctables de l’histoire aux fervents de la prééminence du chef, André Frossard se range parmi les seconds. Cette attitude, au seuil d’une époque qui ne s’annonce pas si fertile en personnages politiques hors-série, constitue un acte de foi et d’espoir qui nous paraît sinon la justification du livre, du moins sa principale leçon. ♦