La Révision, la vraie fidélité
Plusieurs thèmes se chevauchent et s’entrecroisent dans cet ouvrage. Tous touchent de près ou de loin à la politique « politicienne ». Mais aucun n’est à proprement parler d’actualité. Les uns sont comme teintés de regrets et d’amertume ; d’autres, au contraire, d’espoir dans le triomphe des idées qui demeurent chères à l’auteur.
Celui-ci n’a guère besoin d’être présenté. Nous l’avons tous vu, trois ans de suite [de 1969 à 1972], apparaître tous les mercredis sur le petit écran comme porte-parole du gouvernement de Jacques Chaban-Delmas. Et nous nous sommes familiarisés aussi bien avec son ton docte et professoral (n’est-il pas, dans le civil, professeur d’université ?), qu’avec la subtilité de ses raisonnements, son humour parfois mordant et cet amalgame d’intelligence et d’habilité qui fait de lui un sujet politique par excellence. Une des caractéristiques les plus constantes de ses interventions était le peu de goût qu’il manifestait pour l’anecdote, lui préférant, en toutes circonstances, le jeu des idées.
Ce même souci de ne pas trop s’arrêter au contingent et au quotidien anime son livre, même lorsque les thèmes traités sont très proches de l’action. Il en est ainsi, par exemple, des pages très pénétrantes qu’il consacre à l’analyse des rapports qui existèrent de 1940 à 1945 entre, d’une part, le général de Gaulle et les gaullistes de l’extérieur, et d’autre part, la Résistance en France. Aucune étude future sur l’histoire des idées au cours de cette période ne pourra ignorer le témoignage de Léo Hamon. Il en est de même pour un autre thème « historique », celui du référendum de 1969 et de son échec, sur lequel l’auteur apporte une foison de réflexions très fines et très neuves.
Cet échec du référendum sert de transition vers le thème principal du livre, qui en est la raison d’être, et qui peut être résumé d’une façon sans doute un peu caricaturale, dans cette question : le parti UDR (Union des démocrates pour la République), qui a été pendant 10 ans le principal soutien politique du général de Gaulle, était-il gaulliste ? Léo Hamon répond catégoriquement par la négative et pour étayer sa démonstration cherche à opposer les tendances sociales (pour ne pas dire socialisantes) du président de la Ve République à « l’orléanisme » de l’UDR, qui l’a conduit, après la transition pompidolienne, à « voter Giscard ». Ainsi a-t-il laissé échapper, selon lui, l’héritage spirituel le plus riche jamais laissé à la nation française par l’un de ses leaders.
Seuls les gaullistes dits de gauche, estime Léo Hamon (qui en faisait partie), comprenaient réellement où de Gaulle aurait voulu en venir. Eux seuls seraient donc en mesure, aujourd’hui, de conduire une politique conforme à ses vues, à condition de trouver à gauche, jusque chez les communistes y compris, des alliés partageant leur ferveur.
Le grand mérite des intellectuels du type de Léo Hamon est de ne pas craindre le paradoxe. Cela prouve qu’ils n’ont pas de préjugés et qu’ils se méfient des routines. D’un certain point de vue, le progrès n’est-il pas à ce prix ? ♦