Libération de l’Alsace
Dans la collection « Libération de la France », Fernand L’Huillier nous offre une Libération de l’Alsace qui mérite de retenir l’attention. En effet, l’Alsace, de toutes les provinces françaises, a connu l’occupation la plus dure et la plus particulière puisque, de par la volonté du IIIe Reich, elle était devenue une partie du territoire allemand : les problèmes de la « Libération » – particulièrement la Résistance et la Collaboration – ne purent se poser que différemment.
Aussi l’auteur consacre-t-il la première partie de l’ouvrage aux caractères de l’Alsace annexée. En 1942, l’indifférence douloureuse des deux premières années se changea dans l’ensemble de l’Alsace en hostilité tangible : les difficultés faites à l’Église catholique et surtout l’incorporation sous les drapeaux du Reich provoquèrent cette évolution. Mais la Résistance, dans une situation confuse où « l’incertitude pesait sur les rapports entre Alsaciens eux-mêmes », ne se développa vraiment sur une échelle importante qu’en 1944 avec les combats de la Libération.
Leur récit occupe le centre du livre. Se trouvent ainsi retracés les raids heureux de Leclerc vers Strasbourg et de Béthouard vers Belfort, les batailles d’usure de l’hiver, où Strasbourg libéré se trouva un temps dangereusement menacé, et les derniers engagements du début de 1945 pour Colmar. Les lignes d’ensemble de l’offensive alliée apparaissent avec autant de netteté que les actions ponctuelles des groupements de la 2e Division blindée (DB) ou de la brigade « Alsace-Lorraine ». Mais ces opérations militaires s’inscrivent dans des paysages, des villes, des campagnes qu’évacuent les fonctionnaires et les derniers soldats allemands, où circulent des rumeurs alarmantes, ramenant l’anxiété après la joie, qui voient les arrestations opérées par les Forces françaises de l’Intérieur (FFI) et l’installation de l’administration française. Tout cela qui restitue l’atmosphère de ces mois « remplis de bruit et de fureur » de la Libération – l’auteur a su le rendre avec clarté et chaleur grâce à l’exploitation d’une documentation précise et rigoureuse dans une histoire tout à la fois militaire et politique, pleinement humaine.
Enfin, la dernière partie envisage le problème spécifique de l’Alsace, à savoir la réintégration d’une province dévastée, séparée, déchirée dans l’unité nationale. La « personnalité » alsacienne imposait des solutions particulières. Un principe libéral inspira l’épuration dans la mesure où l’annexion avait dicté une coexistence, qui, dans le cas des « malgré nous », fut spécialement cruelle. L’unification économique se fit peu à peu, les communications une fois rétablies. La question du régime confessionnel et de la législation scolaire reflétait en fait la volonté de l’Alsace de conserver ses traits originaux. L’analyse des forces politiques permet de comprendre enfin en quoi la libération de l’Alsace fut différente des autres provinces, et de déterminer les fidélités qui dans la France n’allaient pas se démentir.
Une iconographie, des cartes, des documents, viennent à l’appui de la lecture de cet ouvrage qui concourt avec éclat au vaste tableau que brosse cette remarquable collection. ♦