Le Vent de la liberté
Pierre Lefranc a dix-huit ans en 1940. Il refuse alors la défaite. Étudiant à l’École des Sciences politiques, il participe à la manifestation du 11 novembre à l’Arc de Triomphe avec quelques centaines de jeunes gens. Il y est blessé – car la Wehrmacht n’a pas hésité à tirer quoi qu’on en ait dit alors – et il va purger quelques mois de cachot pour ce geste que certains Français à l’époque jugèrent insensé. Plus tard, lorsqu’il rejoindra le général de Gaulle en 1942, celui-ci lui confiera que cette première manifestation ouverte de résistance lui était apparue comme une première réponse du pays et qu’il en avait ressenti de la joie. Pierre Lefranc, dès ce moment, se voue corps et âme au gaullisme.
Dans un premier tome, intitulé Voici tes fils (cf. notre bibliographie de mars 1975), il nous a narré ses tribulations dans les geôles espagnoles, son séjour au Maroc avant son engagement en Angleterre où il reçut l’instruction « commando ». Vient ensuite Le Vent de la Liberté qui souffle sur la France au moment du Débarquement allié et qui gonfle aussi le parachute du jeune cadet de la France Libre, largué par une belle nuit de l’été 1944 quelque part dans l’Indre entre Châteauroux et Le Blanc, région prédestinée pour Pierre Lefranc puisqu’il devait y revenir vingt ans plus tard comme Préfet. Le récit de ses aventures aux côtés de Léo et Guy, chefs communistes du maquis auquel il vient d’apporter armes et explosifs, oscille entre le rocambolesque et l’héroïque. Les deux hommes sont des patriotes incontestables mais ne sont pas dépourvus d’arrière-pensées politiques puisqu’ils entendent réserver exclusivement au Parti le bénéfice de leur lutte. Les scènes d’action et les dialogues ont, en dépit de leur reconstitution de mémoire trente ans après, gardé un caractère de vraisemblance et un ton de sincérité qui ne trompent pas et qui font tout l’intérêt de ce récit très vivant. Nul doute que, de ces temps périlleux et exaltants, date l’inclination de Pierre Lefranc vers un gaullisme qui ne récuse pas la gauche lorsqu’elle est vraiment le peuple, un peuple qu’il faut sans cesse rassembler pour défendre la France et sa liberté.
La seconde partie du livre est consacrée aux premiers temps de l’invasion et de l’occupation en Allemagne auxquelles il a participé, comme journaliste chargé de mission au camp de presse de la 1re Armée, sous les ordres du général de Lattre. Il évoque avec une franchise, dont il faut le louer, les sentiments troubles qui animent ces soldats victorieux, transformés à leur tour en occupants et qui découvrent en même temps le drame des familles allemandes déchirées, endeuillées, et la tragédie, l’horreur des camps de déportés. Le livre de Pierre Lefranc constitue un témoignage dont on appréciera le caractère authentique. Son rythme dynamique traduit bien l’ardeur et l’enthousiasme qui animaient le jeune Français libre et qui animent encore aujourd’hui le président de l’Institut Charles de Gaulle. ♦