The Problem of Chemical and Biological Warfare. Vol. 6 ; Technical Aspects of Early Warning and Verification
Ce sixième volume, rédigé par Rolf Björnerstedt, Carl-Göran Heden et Robert Neil avec l’aide d’une équipe de spécialistes internationaux, clôt la série des études que le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) a consacrées aux problèmes de la guerre chimique et biologique, reprenant ainsi à son compte une idée jadis lancée par le Comité Pugwash (1) groupant des scientifiques de tendance pacifiste.
Ces six volumes représentent une masse extraordinairement riche d’informations concernant tous les aspects historiques, juridiques, techniques et politiques de ces problèmes. Ils représentent un travail considérable et de valeur inestimable qui a pu heureusement être accompli grâce à la collaboration que lui ont prêtée les Nations unies et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), et grâce à la documentation libéralement fournie par les États-Unis.
Le présent ouvrage s’attache plus spécialement aux problèmes de la détection et de l’inspection permettant de prévenir la guerre biologique et chimique. Il pose en particulier la question de savoir dans quelle mesure la documentation accessible au niveau mondial peut jouer un rôle dans l’analyse des présomptions de préparatifs d’une telle guerre et dans le contrôle de non-production d’agents B. Le SIPRI incline à répondre affirmativement en raison de l’abondance des informations ouvertes et de la multitude des contacts internationaux entre scientifiques soucieux de ne pas avoir à détourner leurs travaux à des fins militaires. Toutefois, l’exploitation de telles analyses suppose l’établissement de synthèses faisant appel à des disciplines très diverses. Aussi le SIPRI préconise-t-il la création de centres de documentation dont les organes spécialisés déjà existants à l’ONU pourraient constituer le noyau.
En ce qui concerne plus spécialement le problème des inspections portant sur les agents biologiques, les auteurs montrent qu’étant donné la nécessité d’un renouvellement périodique de ces agents, c’est au niveau de leur stockage que peut s’exercer le plus utilement un éventuel contrôle. Ils relatent une expérience de vérification conduite par le SIPRI en 1968-1969 dans quatorze laboratoires ou établissements de production en Europe de l’Ouest et de l’Est. Cette expérience a prouvé que de telles opérations peuvent fournir des conclusions valables mais impliquent une compétence particulière des inspecteurs et un esprit de coopération de la part des organismes inspectés.
Deux chapitres portent spécialement sur les aspects techniques, d’une part de la détection et de l’identification des agents microbiens utilisables dans un armement biologique, et d’autre part du contrôle de la production des composés organophosphorés considérés comme les agents types d’un armement chimique.
Cinq annexes d’intérêt très technique et une liste de près de 300 références bibliographiques complètent ce volume.
Rappelons qu’en ce qui concerne les armes biologiques, Américains et Soviétiques sont convenus de leur interdiction mais qu’aucun contrôle n’a été prévu. C’est pourquoi la France, craignant que cette absence de contrôle international ne constitue un précédent qui pourrait être appliqué à d’autres formes de désarmement, a refusé de signer cette convention, mais elle n’en a pas récusé l’esprit et elle s’est dotée elle-même en 1972 d’une loi d’interdiction tout aussi contraignante (cf. Chronique de Michel Dives de juin 1972, Défense Nationale).
Le problème de la prévention de la guerre chimique demeure sans solution : l’existence de stocks importants et la facilité de reconversion des usines chimiques font de cette forme de guerre une possibilité toujours latente. Les moyens de contrôle avancés par le SIPRI dépendent essentiellement de la bonne volonté des parties en cause et de la liberté d’information qu’elles consentent à l’intérieur de leur territoire. En l’absence d’inspections internationales, que les nations refusent comme attentatoires à leur souveraineté, on peut craindre que les suggestions du SIPRI ne restent quelque peu théoriques. ♦
(1) C’est à Pugwash en Nouvelle-Écosse que s’est tenue, en 1957, la première réunion de ce Comité.