Les libertés à l’abandon
Ce livre, d’une étonnante densité, s’inspire de deux préoccupations qui ne coïncident pas toujours : d’une part c’est un plaidoyer convainquant en faveur du renforcement de la protection des libertés en France et une critique souvent pertinente des carences en cette matière ; d’autre part c’est une étude historique et juridique d’une remarquable précision sur l’évolution et l’état présent de quelques problèmes concernant les libertés en France : liberté de l’information, protection juridictionnelle des libertés, droits économiques et sociaux, notamment en matière syndicale, protection de la vie privée, droit des minorités, action internationale pour la protection des droits de l’homme.
La rigueur avec laquelle est traité ce second aspect est d’autant plus remarquable que l’auteur, malgré son désir bien naturel d’en tirer argument pour ses critiques, souligne honnêtement – au risque d’affaiblir sa thèse – les progrès réalisés depuis quelques années, par exemple au sujet de la censure ou du contrôle de la constitutionnalité des lois ou de la protection des minorités, et reconnaît les difficultés de concilier certaines libertés, telles que la liberté syndicale, avec d’autres libertés telles que la protection des droits des travailleurs immigrés.
Cette étude fourmille d’indications précises et précieuses. C’est ainsi que Roger Errera rappelle, entre autres remarques, que la Constitution de 1958 se réfère explicitement au préambule de celle de 1946, lequel conserve ainsi toute sa valeur de droit positif. Au moment où la réforme de l’entreprise est à l’ordre du jour, il peut n’être pas indifférent de noter que, selon le préambule de 1946, « tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses délégués… à la gestion des entreprises ».
Roger Errera retient quelques points forts autour desquels devrait s’organiser la protection des libertés, ne serait-ce que pour équilibrer la centralisation traditionnelle de la France : un pouvoir judiciaire fort, une information pleinement libre, un contrôle parlementaire actif.
Même si certaines positions de Roger Errera peuvent paraître contestables, son livre constitue une source indispensable de références et de réflexion pour tous ceux qui s’intéressent à la défense des libertés. ♦