La guerre civile
Qu’est-ce qu’une guerre civile ? Son critère « ne réside pas dans le caractère des hostilités : elle peut revêtir la forme d’opérations militaires classiques ou celle, plus fluide, d’une guerre de guérillas ; dans la nature des parties qui s’affrontent : elle peut mettre en présence factions politiques ou classes sociales, ethnies ou groupes religieux ; dans le mobile même du conflit : elle peut avoir pour enjeu le régime politique d’un État existant ou la création, par sécession, d’un nouvel État ». Elle n’est pas nouvelle, mais elle a pris une signification sans précédent à mesure que se transformaient, dans leur nature même, les systèmes de relations entre États. En effet, les États ne sont plus, aujourd’hui, organisés selon les mêmes principes et ne se réclament plus des mêmes valeurs. Il en résulte que, « bien loin d’être enclins à voir dans les rebelles de l’autre camp une menace contre l’ordre commun, ils jugent normal de provoquer la discorde chez l’ennemi, en même temps qu’ils sont tentés de reprendre, pour les relations internes de chaque “bloc”, une formule de Sainte-Alliance ». Dès la guerre d’Espagne de 1936, il apparut que « les messianismes qui se disputent le monde affectent aisément l’aspect de conflits internes », et les luttes internes deviennent objectivement des épisodes des conflits internationaux. Alors que la guerre civile classique était un conflit essentiellement interne, à incidences internationales limitées, la guerre civile moderne tend à devenir le reflet interne de conflits internationaux généraux. N’est-elle pas, alors, une guerre révolutionnaire ?
Ceci pose des problèmes considérables, que Charles Zorgbibe, professeur à l’Université de Paris XI, a étudiés en juriste, sans toutefois en négliger les aspects politiques. Si la première partie de son livre (« La guerre civile classique, conflit interne à incidences internationales limitées ») présente un intérêt surtout historique, la seconde (« La guerre civile moderne, reflet interne d’un conflit international ») concerne quelques-unes des questions qui dominent nos préoccupations. Un État tiers peut-il intervenir pour défendre un régime existant, ou pour légitimer un parti insurgé ? Selon quels principes et par quelles voies juridiques s’effectue la reconnaissance internationale d’un État né d’une insurrection ? Peut-on élaborer un droit préventif de la guerre civile ? Peut-on envisager l’élaboration d’un droit humanitaire de la guerre civile ? En elles-mêmes, ces questions sont intéressantes, mais on ne les pose correctement qu’à partir du moment où l’on considère que certains protagonistes ne respectent les règles du Droit que lorsque celles-ci les favorisent. C’est vrai pour les adeptes de certaines idéologies, c’est vrai pour les terroristes. C’est pourquoi la guerre civile pose plus de questions politiques que de questions juridiques. Les secondes gagnent à être connues, les premières méritent d’être mieux comprises. ♦