Louis XI
« Définir le souverain de manière à pouvoir essayer de surprendre l’homme », tel est le propos de Paul Murray Kendall dans son étude sur Louis XI qui nous entraîne à la découverte d’un souverain aux traits déjà modernes, aux prises avec une civilisation que les rapports féodaux-vassaliques marquent encore de leur lourde empreinte.
Mais surtout, par-delà les témoignages de ses contemporains, les portraits brossés par les chroniqueurs et les images « gothiques » de Walter Scott, l’auteur recherche « les vraies dimensions de l’homme »… « en abandonnant la légende pour retrouver la vie ».
Car Louis XI fut dès la fin du XVe siècle l’objet d’une mythologie que le Romantisme ne fit qu’accentuer ; il faut attendre notre époque pour que puisse enfin s’estomper « la grimaçante image d’une gargouille baignée dans les sinistres lueurs d’un Moyen-Âge déclinant ».
Tirant habilement parti des nombreuses archives royales, recoupant des témoignages aussi divers que ceux de Commynes, son conseiller à partir de 1472, de Pietro Panigarola, ambassadeur de Milan, et du mémorialiste Chastellain, l’auteur nous présente « l’histoire d’un homme décidé, qui sut imposer aux autres ses décisions ».
L’ouvrage, d’une lecture agréable, se présente sous la forme d’une chronique de la vie de Louis XI, qu’un prologue rapide et coloré permet de replacer dans le contexte d’une époque où les hommes « goûtaient la piquante saveur d’une vie aux contrastes violents ». C’est au cœur de cette fin du Moyen-Âge où se mêlent « l’odeur du sang et le parfum des roses », que nous suivons le dauphin, puis le roi de France.
Il n’est tout d’abord qu’un « étranger » qui, après une éducation élémentaire, conspire à plusieurs reprises contre son père Charles VII et opère vers 1443 en Guyane à la tête des Écorcheurs. Exilé dans ses terres dauphinoises de 1447 à 1456, il y fait un « merveilleux apprentissage » et « c’est sans retenue qu’il consacre sa volonté, sa science et sa vitalité à diriger les affaires et les hommes ». Il se réfugie quelques années à la cour de son oncle, le duc de Bourgogne Philippe le Bon ; il doit reconnaître la précarité de sa position et ce n’est qu’en 1461, âgé de 38 ans, que le « dauphin recevait la nouvelle qui faisait de lui le Très Chrétien roi de France, Louis le Onzième ».
La seconde partie de l’ouvrage, la plus importante, nous fait découvrir un souverain désireux de se mêler à son peuple « comme un bon jardinier cultive son jardin ».
Mais après quelques mois, « Louis en avait trop fait, il avait balayé trop de préjugés, bousculé trop de conventions, il était allé trop vite et dans trop de directions à la fois ». L’opposition des grands vassaux, coalisés dans la « Ligue du Bien Public » vaincue à Montlhéry, le roi doit faire face au « péril bourguignon ». La défaite de Charles le Téméraire consommée en 1477 sous les murs de Nancy, Louis XI peut se préoccuper de la reconstruction d’un royaume de France profondément diminué par la guerre de Cent Ans : « Louis avait compris que le commerce et l’industrie ne sont pas des éléments fixes dans une société statique, mais bien plutôt des forces dynamiques, susceptibles d’accroître la richesse et les ressources de l’État ».
Les dernières années du règne portent l’empreinte d’une hantise de la mort à laquelle il ne put jamais se soustraire, et qui fut interprétée par les historiens comme une cruauté morbide.
De l’attachant ouvrage de Paul Murray Kendall ressort l’image « d’un homme aux capacités exceptionnelles, doué d’une personnalité aussi complexe et aussi diverse que celle de douze personnages ordinaires ». Car la vie de Louis XI, « long poème comique dont il serait lui-même l’auteur et le protagoniste », reste pour nous une « histoire étrange et complexe, tour à tour grotesque et stupéfiante, souvent absurde et toujours agitée ». ♦