Histoire des Gauches en France 1940-1974
Les Français manifestent un goût très vif pour l’histoire politique de leur pays. Répondant à ce goût, les études et recherches en politologie foisonnent. Nous ne pensons pas seulement aux sondages qui sont récemment devenus la matière première privilégiée de toute réflexion politique, mais à une tradition bien plus ancienne de notre enseignement supérieur des sciences humaines qui a produit des maîtres aussi réputés qu’André Siegfried, Daniel Halévy, Albert Thibaudet, Raymond Aron… pour ne citer que les plus influents des dernières générations. L’ouvrage de François G. Dreyfus a été inspiré par cette tradition et il se situe parmi les meilleures contributions à cette discipline.
Les noms parmi lesquels nous avons cité le sien, ainsi que ses titres – docteur ès lettres, agrégé d’histoire, professeur à l’Université de Strasbourg – permettent a priori de laver l’auteur de tout soupçon d’avoir abordé son sujet en partisan ou de l’avoir traité en journaliste, il n’en est rien effectivement, même pour les périodes les plus récentes et les plus « chaudes » qui se situent encore au voisinage immédiat de l’actualité.
François G. Dreyfus fait débuter son récit en 1940, à un moment crucial pour tous les partis politiques et propice à la réflexion ainsi qu’aux révisions. Pour la gauche en particulier : le PC vient d’être interdit, tandis que radicaux et socialistes méditent sur l’expérience amère d’un Front populaire qui a sonné le glas des tentatives, traditionnelles depuis Gambetta, d’un réformisme sans révolution. C’est cette gauche, cependant traumatisée, qui réussit à imposer sa loi tout au long de la IVe République au point que l’effondrement final de celle-ci peut sans doute être interprété comme un échec de la gauche qui s’explique, nous dit l’auteur, par le fait qu’« en face d’une économie et d’une société qui se transforment profondément et qui font entrer peu à peu la France dans une société industrielle, les partis de gauche demeurent plus accrochés au passé qu’ouverts sur l’avenir ».
La « traversée du désert » d’une gauche mise à l’écart sous la Ve République est ensuite dominée par la recherche de l’union entre socialistes et communistes. Malgré l’adoption du Programme commun et le très faible nombre de voix qui a manqué à M. Mitterrand pour en assurer la victoire, François G. Dreyfus estime quant à lui que les chances de la gauche « demeurent limitées, étant donné les structures socio-économiques de la France contemporaine, si (elle) demeure à la traîne du dogmatisme marxiste ». Ce dogmatisme qui se traduit par « l’absence de gauche réformiste, risque de détourner précisément de l’idée de gauche bon nombre d’électeurs ».
Ainsi, tout au long du récit, l’histoire événementielle se trouve associée à l’analyse politique personnelle. C’est le propre de la politologie et c’est ce qui rend cette discipline attrayante lorsqu’elle n’est pas détournée de son objet et lorsqu’elle est en outre, comme dans le cas présent, soucieuse du style, de l’élégance et de la précision de l’écriture. ♦