Israël en guerre
Le conflit du Moyen-Orient a été l’objet de nombreuses études, tant dans son aspect global qu’en fonction des aspirations de l’un ou de l’autre de ses protagonistes. Le livre de Jean-Pierre Derriennic n’en est pas moins « neuf ». C’est en effet la première fois que ce conflit est analysé avec un tel souci méthodologique de la complexité des causes et de la pluralité des perspectives, souci dans lequel apparaît l’influence de Raymond Aron. « Une des caractéristiques principales du conflit israélo-arabe depuis 1947, et même à certains égards depuis 1917, est que les parties qui y sont le plus directement impliquées ont fortement tendance à rechercher des alliés extérieurs, et parviennent avec une efficacité assez grande à les faire participer au conflit.
Les États du Moyen-Orient ont non seulement des intérêts propres, distincts de ceux des grandes puissances qui les soutiennent, mais aussi un dynamisme politique et une capacité d’initiative assez grands, qui leur permettent déjouer leur propre jeu. Ni Israël ni l’Égypte ne sont, comme le Sud-Vietnam, des États pratiquement sans ressources et sans existence politique autonome par rapport à la volonté d’une grande puissance protectrice ». Telle est la principale originalité de ce conflit, telle est la cause de son escalade depuis vingt-cinq ans, laquelle « ne résulte pas de la volonté d’une des parties, mais de l’interaction d’un nombre assez grand de centres de décisions antagonistes ou concurrents ».
C’est dans cette perspective que Jean-Pierre Derriennic a analysé la politique de défense d’Israël – « défense » étant prise dans son acception la plus large, eu égard à tous les paramètres indissociables de cette défense, elle est à la fois le résultat de cette situation et un des éléments actifs qui contribuent à son évolution. La guerre d’octobre 1973 (Kippour) fut une fausse surprise. La rapidité et le caractère écrasant de la victoire israélienne de 1967 étaient beaucoup plus exceptionnels que les combats plus longs et plus durs de 1973. Les dirigeants israéliens ont été surpris et mis en difficulté par le type de guerre qui leur a été imposé par les Égyptiens et les Syriens : la vision politico-stratégique qu’ils ont été amenés à adopter à la suite de la victoire de 1967, l’occupation des territoires conquis et la guerre d’usure de 1969-1970 en sont la cause. La préoccupation des frontières sûres ne résulte pas exclusivement, ni même sans doute principalement, de nécessités militaires, mais de la conjonction d’un ensemble de facteurs qui tiennent à l’histoire du Pays, à son idéologie dominante, à sa structure sociale, à son système politique. C’est en analysant l’interdépendance étroite entre ces facteurs que l’on peut comprendre la puissance militaire israélienne et les obstacles qui ont empêché ce pays de parvenir à des relations stables avec ses voisins. Rivalités interarabes à propos de la Palestine, signification du conflit pour les deux Grands, possibilités d’une « dé-sionisation » d’Israël, etc., Jean-Pierre Derriennic n’a négligé aucun des aspects de ce problème immense et angoissant. ♦