Pari sur l’homme
Robert Jungk est encore peu connu en France. Dans son pays, et dans le monde anglo-saxon, son influence est par contre considérable dans le domaine – cependant abondamment défriché au cours de ces dernières années – de la futurologie.
Mais l’ouvrage qu’il nous présente aujourd’hui n’est, en aucune façon, une étude du futur. Il est plutôt le résultat des réflexions de l’auteur sur la futurologie. Cette nouvelle science – ne pourrait-on même parler de ce nouveau rite, ou de ce nouveau culte ? – s’élabore activement dans d’innombrables instituts, fondations, associations, offices, et autres corporations (sans parler des universités et des salles de rédaction des revues spécialisées) qui foisonnent outre-Atlantique, aux frais des États aussi bien que des particuliers. Chacun de ces établissements possède sa propre liturgie, ses méthodes, et ses axes de recherche privilégiés. Le plus souvent, ils s’ignorent entre eux. Mais ils sont unis, nous dit Robert Jungk, par la « conviction qu’une élite proéminente devrait prendre en mains les destins de l’humanité en danger ». Ce sont ces diverses « tentatives des intellectuels réfléchissant sur l’avenir » que l’auteur a entrepris de rassembler, d’analyser et de classer.
Il le fait avec beaucoup de simplicité et de clarté, en s’interdisant de recourir à une terminologie ésotérique ou à des notions accessibles aux seuls initiés. Et au terme de son travail, il constate, faisant ainsi preuve, nous semble-t-il, d’un grand bon sens, que les futurologues n’accordent pas une attention suffisante au facteur humain, lui préférant le facteur technique, qui a l’avantage de pouvoir être mis sur ordinateur. D’où, trop souvent, leurs conclusions pessimistes, du type de celles du « Club de Rome ». Robert Jungk, quant à lui, préfère parier sur l’homme et sur les ressources de son intelligence. Déjà, nous dit-il, « apparaissent les signes prometteurs d’une réalité nouvelle, annonciateurs d’un tournant positif ».
Ce livre sérieux et documenté, qui s’attaque à un sujet difficile, est cependant (grâce, en particulier, à l’excellence de la traduction) d’une lecture facile et agréable. Il accroche constamment l’attention, tantôt par l’anecdote, tantôt par l’originalité de la pensée. Il prône la simplicité dans le raisonnement. S’il était mis à profit par les futurologues, beaucoup de malentendus pourraient être dissipés entre ceux-ci et le grand public. ♦