L’ORA, la Résistance de l’Armée (Guerre 39-45)
On attendait depuis longtemps cette contribution importante à l’histoire de la Résistance. Elle ne déçoit pas, car il s’agit d’une œuvre collective, honnête, qui reflète bien l’écho des divergences et des points d’accord de la société militaire de cette époque et qui s’appuie sur des témoignages récents et des documents souvent inédits.
Certes, l’ouvrage pourra choquer ou agacer certains lecteurs en raison de son caractère apparent de plaidoyer pro domo, mais n’était-il pas nécessaire, en dépassant, comme l’indique le sous-titre, le sujet propre de l’Organisation de résistance de l’armée (ORA), de montrer que la majorité des cadres de l’armée de 1940, quoique non formés à des actions clandestines et peu préparés à s’y adapter, ont su néanmoins affirmer leur patriotisme et leur antinazisme viscéral par des choix personnels très divers ?
Jusqu’en novembre 1942 transparaît le désir et l’espoir constant d’un appui plus ou moins tacite du Haut commandement. Cet espoir va grandement contribuer aux réticences vis-à-vis de la France libre. L’existence du gouvernement de Vichy, considéré comme légal, peut expliquer le trouble des esprits, surtout pour des militaires attachés par nature aux valeurs hiérarchiques. Cette équivoque va conduire, en novembre 1942, a des actions aberrantes comme le sabotage de la Flotte, le maintien des avions en zone libre, l’occupation sans coup férir du reste du territoire français et, en Afrique du Nord, la résistance au débarquement allié et l’ouverture de la Tunisie aux forces de l’Axe.
Mais après cette date, le voile est déchiré et l’ensemble des cadres de l’Armée va participer à la Libération, dans une proportion plus large qu’aucune autre catégorie professionnelle, et le contraire eut été étonnant. Si, sur les 35 000 officiers d’active de l’armée de 1939, 12 000 sont prisonniers et 4 500 se révéleront attentistes, 12 000 autres en Afrique ou outre-mer et 1 000 chez les Forces françaises libres (FFL) participeront à la libération de l’extérieur, 1 500 les rejoindront à travers l’Espagne et 4 000 combattront à l’intérieur. L’ORA n’en comptera que 1 500, les autres ayant rejoint les mouvements civils, y compris les Francs-tireurs et partisans (FTP). Disparité, médiocre efficacité, peuvent dire les détracteurs, mais n’est-ce pas l’image de la nation française d’alors ?
Les discussions internes, les contradictions, les dissensions et les tentatives d’union, sont relatées de façon détaillée mais, malgré leur intérêt historique, le fait essentiel demeure, qui est bien mis en valeur : en dépit de sa rigidité hiérarchique et de son désir d’apolitisme, qui l’ont en l’occurrence plus handicapée qu’ils ne l’ont servie, l’armée et ses cadres ont su répondre pleinement au sursaut national, fût-ce au prix de nombreux tâtonnements et aussi de lourdes pertes.
De ce point de vue, il faut rendre hommage aux auteurs de l’ouvrage dont la coordination a été assurée par le colonel de Dainville. Ils ont su faire œuvre d’historiens tout en montrant qu’au-delà des divergences et des obstacles qui rendaient les choix souvent dramatiques, les cadres de l’armée n’ont pas trahi leur idéal patriotique. ♦