Le temps d’y penser
L’emploi de certaines formes littéraires facilite à l’écrivain son travail. Par exemple le dialogue, ou plus précisément – dans le cas du livre de Georges Mathé – le jeu des questions et des réponses. Ce procédé permet de ne pas trop s’acharner à « composer » l’ouvrage. Il s’accommode d’un certain laisser-aller dans la succession logique des idées, dispense d’un plan rigoureux et n’exige pas un effort particulier de style. Le temps d’y penser !… et voici le livre prêt pour l’imprimatur ! Ce gain de temps doit être précieux pour le professeur Georges Mathé, plus normalement absorbé par des travaux de cancérologie qui lui ont valu la renommée internationale que l’on sait.
C’est peut-être l’acharnement que le savant professeur met à scruter les cellules cancéreuses du corps humain qui lui a donné le goût de réfléchir sur les structures du corps social et d’y pourchasser les malaises, les déséquilibres et les anomalies. Et cela dans tous les domaines, même dans ceux qui n’ont rien à voir avec la médecine. C’est ainsi qu’il nous donne son avis sur (je choisis au hasard) : le dirigisme en politique, l’Église, Marcuse, la famille, l’urbanisme, l’héritage, la pollution, la fraude fiscale, le bonheur… et aussi, bien entendu, sur la contraception et l’avortement. Beaucoup de ses opinions ou de ses recommandations sont originales et inattendues. Par exemple, la création, dans nos banlieues, d’un corps d’éboueurs-urbanistes, ou encore celle de kinésithérapeutes-avorteurs (ce qui aurait l’avantage, entre autres, d’éviter aux médecins de trahir leur serment d’Hippocrate). Mais la plupart des suggestions sont beaucoup moins farfelues et, en tout cas, normalement constructives. Elles sont de nature, certes, à alimenter de chaudes discussions. Mais n’est-ce pas là le but même du livre ? Et la discussion n’est-elle pas nécessaire à la prise de conscience des problèmes ? La plupart des lecteurs sauront donc certainement gré à Georges Mathé de les secouer, même au détriment de leur précieux confort intellectuel. ♦