Les Institutions de la France sous la Monarchie absolue, Tome I
Parvenu presque au terme d’une longue carrière universitaire, Roland Mousnier, professeur à l’Université de Paris I, couronne une œuvre historique importante par une synthèse des connaissances actuelles sur les institutions de la France sous la Monarchie absolue. L’entreprise est ambitieuse puisqu’il s’agit de suivre une évolution s’étendant sur près de deux siècles (1610-1789) et de décrire des structures très complexes ; les institutions variaient alors d’une province à l’autre et les créations nouvelles venaient fréquemment se superposer aux anciennes.
En réalité, pour l’auteur, les difficultés ne viennent pas d’une surabondance d’informations. Il souffre plutôt de ne pouvoir répondre à toutes les questions qu’il se pose et il le reconnaît dans son introduction : « Ce livre a été écrit en pensant à toutes ces questions et à d’autres encore et peut-être pourra-t-il contribuer à stimuler les recherches nécessaires. »
Cet ouvrage étudie successivement la constitution sociale puis l’État. Le premier livre qui occupe la plus grande partie du premier tome, commence par l’exposé des théories de Loyseau (1610), Saint-Simon (1715), Domat (1697) et Barnave (1792) sur la nature et sur les structures de la société française. Cette analyse permet à Roland Mousnier de développer une thèse qui lui est chère et qu’il justifie par des arguments séduisants : entre la mort de Henri IV et la déchéance de Louis XVI, la France est passée insensiblement d’une société d’ordres dans laquelle chaque collectivité la composant possède des pouvoirs propres, des libertés et des privilèges, à une société de classes à l’intérieur de laquelle les individus sont liés par des intérêts matériels et moraux.
Ces deux expressions expriment cependant très mal la complexité des structures sociales. À la base se trouve la famille, qui évolue de la communauté familiale conjugale : celles d’entre elles qui possèdent quelque influence s’élargissent par des fidélités de natures diverses, dont certaines demeurent très vivaces à la veille de la Révolution. Les personnes se répartissent en catégories sociales hiérarchisées selon la nature ou le degré de leur dignité ; ce sont les trois Ordres qui se subdivisent en une multitude de niveaux. À ces sociétés fondées sur le rang ou sur la responsabilité sociale, il faut encore ajouter celles qui reposent sur la religion, la profession et le lieu de résidence. Un tel enchevêtrement favorise le particularisme, l’émiettement et la dilution de l’autorité. La France n’éclate pourtant pas car son État, en dépit d’une relative pénurie de moyens, est particulièrement fort. La lecture du deuxième tome lorsqu’il paraîtra, confirmera sans doute cette impression qu’on retire en refermant ce premier volume. ♦