Libération de l’Auvergne
« J’ai de toute évidence beaucoup de choses à raconter, ayant été au centre des événements, en Auvergne, de l’automne 1942 jusqu’au printemps 1946 ». Effectivement. Appelé en octobre 1942 par le comité directeur de « Combat » à devenir le chef de réseau pour la région d’Auvergne (R6), le docteur Ingrand rejoint la région de Clermont-Ferrand où il exercera des responsabilités de plus en plus étendues dans la Résistance ; par la suite il sera également chef régional des MUR (regroupement de trois mouvements de résistance de zone sud), enfin Commissaire désigné de la République pour la région d’Auvergne, poste qu’il tint de la Libération jusqu’en 1946.
C’est donc à un acteur particulièrement engagé dans la Résistance et ayant eu de hautes responsabilités que nous devons ce nouvel ouvrage de la collection dirigée par Henri Michel, « La libération de la France ».
Le livre d’Henri Ingrand est donc un témoignage de première main et qui apporte des précisions utiles sur l’organisation de la Résistance en Auvergne, notamment sur l’unification – tardive mais réelle – de tous les mouvements de R6, soit les MUR (Mouvements unis de la Résistance), les FTPF (Francs-tireurs et partisans français) et l’ORA (Organisation de résistance de l’armée), lors d’une réunion tenue le 13 juillet 1944. Après bien des discussions, les participants s’étaient mis d’accord pour désigner le général de La Laurencie – libéré par les FTP d’une prison vichyste – comme commandant des FFI de R6. Mais, écrit Henry Ingrand, « tout le monde avait oublié qu’il faisait partie du Tribunal militaire qui avait condamné à mort, par contumace, le général de Gaulle. Ce fut donc, en définitive, Coulaudon (pseudo Gaspard) qui exerça ces fonctions ».
Avant cette date, la résistance auvergnate avait connu le douloureux épisode du Mont-Mouchet et de la Truyère, ces réduits que, dès mai 1944, avaient rejoints des centaines d’hommes, créant, comme plus tard au Vercors, une sorte de « République libre de la Margeride ». Les circonstances exactes de cette « mobilisation » sont mal précisées, mais Henry Ingrand a décidé de ne traiter que très cursivement cet aspect de la résistance auvergnate. Il laisse le soin à un de ses camarades de combat, Gilles – maintenant le colonel Lévy – d’être l’historien de ces combats dans une étude qui sort des presses quelques mois après celle de Henry Ingrand.
Mais l’Auvergne, ce n’était pas que les maquis, c’était aussi Vichy. Et c’est Ingrand qui, avec le colonel Fayard, reçoit les envoyés du maréchal Pétain. Ce dernier envisage de se mettre sous la sauvegarde des Forces françaises de l’intérieur (FFI) et de conseiller aux Français de se rallier à de Gaulle. Ingrand rendra compte à Londres mais, en envahissant l’Hôtel du Parc, le 20 août, les Allemands mettront fin à ces tractations.
Ce témoignage d’un homme ayant échappé pendant deux ans à l’arrestation illustre bien les difficultés et les périls de la vie clandestine et éclaire un certain nombre de problèmes, tout en fournissant aux lecteurs quelques documents caractéristiques. ♦