De la fête impériale au mur des fédérés 1852-1871
L’histoire du Second Empire a d’abord été écrite par des historiens républicains qui détestaient ce régime, ses origines, ses principes, ses chefs, ses instruments et ses méthodes. Pour beaucoup, le Second Empire est resté associé au serment trahi, à la liberté étouffée, à la honte de la défaite. Cette opinion s’est prolongée jusqu’à nous avec M. Jacques Rougerie (Histoire de la France sous la direction de Georges Duby) et M. Maurice Agulhon (1848 ou l’apprentissage de la République, cf. compte rendu dans la RDN d’août-septembre 1973) : toutefois ces deux ouvrages font apparaître que l’Empire était non seulement inévitable, mais nécessaire. De même, Karl Marx écrivait : « La parodie de l’impérialisme était nécessaire pour libérer la masse de la nation française du poids de la tradition et dégager dans toute sa pureté l’antagonisme existant entre l’État et la société ».
À l’inverse, des œuvres de défense et d’explication, de L’Empire Libéral d’Émile Ollivier au Second Empire de M. Adrien Dansette, ont rappelé les intentions généreuses de la politique impériale en faveur des classes laborieuses et des peuples asservis.
D’une façon plus générale, les transformations du monde contemporain ont redessiné l’image du Second Empire. La défaite de 1940 a minimisé celle de 1870, la perte de l’Algérie a justifié la politique du royaume arabe : même les essais d’organisation européenne ont pu trouver un précédent dans les conceptions impériales. Parallèlement, le développement de l’histoire économique a mis en valeur les audaces et les réussites du régime.
Le grand mérite de l’ouvrage de Monsieur Alain Plessis est de réaccorder toutes ces tendances et d’assimiler tout l’acquis des études parues à ce jour. Ainsi l’excellente série des volumes constituant cette « Nouvelle Histoire de la France contemporaine » s’enrichit d’un tome qui justifie bien le titre de la collection : il fait le « point » sur l’état des recherches consacrées au Second Empire.
L’ouvrage est avant tout un tableau de la société du Second Empire. Le « régime de Napoléon III » ainsi que le « personnel et les réalités politiques » nous sont présentés sur une toile de fond où s’inscrivent les « progrès et les mutations économiques » de l’époque qui ont engendré de nouveaux « genres de vie et de mentalités ». L’auteur dépasse ainsi une étude sommaire des faits et restitue une vision globale de la politique napoléonienne et de l’époque du Second Empire.
Le lecteur en retire une impression contrastée, nuancée, et ne manque pas de s’interroger avec Alain Plessis : « Aurore ou crépuscule, modernité ou tradition ? ». La conclusion de l’auteur traduit « l’étonnant dualisme de cette époque où un XVIIIe siècle qui n’en finit pas de durer et un XXe siècle gros de tous les problèmes contemporains semblent cohabiter et se heurter. Mais l’homme d’aujourd’hui retient surtout le souvenir de ces percées de modernisme qui font à ses yeux toute l’actualité du Second Empire : l’acclimatation du suffrage universel finalement associé au parlementarisme, l’apparition de l’art moderne, l’essor des sociétés anonymes, les premiers développements de la grande industrie et les souffrances de ses ouvriers ».
Venant à l’appui du texte, des tableaux statistiques, des diagrammes, des schémas et des cartes constituent une documentation de premier ordre mise ainsi à la portée d’un large public. De plus, une chronologie et une excellente bibliographie ajoutent encore à la valeur et à l’utilité de ce livre. ♦