Libération de Marseille
« Pour qui sait les exigences du métier d’historien, écrire un récit de la libération de Marseille peut paraître aventure sans issue, défi sans modestie, gageure. Les archives sont inaccessibles, les journaux d’une pauvreté rare, les témoignages contradictoires, les passions restent frémissantes ».
Voilà beaucoup de raisons pour qu’un universitaire comme Pierre Guiral, professeur à l’Université de Provence, renonçât à écrire cette histoire de la Libération de Marseille. Mais, Marseillais d’origine et particulièrement intéressé par l’étude des comportements de l’opinion, Pierre Guiral pouvait être tenté d’écrire, malgré les risques, une histoire de la libération de Marseille qui ne pouvait se concevoir sans une évocation de l’évolution de l’opinion marseillaise entre 1940 et 1944, face au problème de l’occupation et de la Résistance. « Incertitudes et certitudes marseillaises », « refus et rejet », à travers ces deux chapitres, l’auteur étudie comment les thèmes de la Révolution nationale se sont diffusés à Marseille, comment ils ont été acceptés plus ou moins passivement – « en 1943 la très grande majorité de la population s’est pour le moins résignée à l’attentisme » – ou comment ils ont été rejetés.
Il y a un grand bouillonnement à Marseille, ville de passage et de combats. Et si la Résistance s’y implante fortement, c’est grâce à l’action des Marseillais authentiques comme Gaston Defferre et Marie-Madeleine Fourcade, grâce aussi à des repliés tels qu’Henri Frenay, Maurice Chevance ou le capitaine Paillole. Ayant évoqué l’organisation et l’activité diverse de la Résistance à Marseille, Pierre Guiral consacre un chapitre à la bataille de Marseille dont un récit plus détaillé a déjà fait l’objet du livre de Claude Bonard : Marseille, bataille des seigneurs. Puis il évoque les lendemains de la libération, l’épuration, les arrêtés de réquisition de certaines entreprises signés par René Aubrac, le Commissaire de la République, mais annulés par le Conseil d’État en 1946 ; et les dures rivalités politiques entre communistes et socialistes, les premiers dirigés par Jean Cristofol, président du Comité régional de Libération, les seconds par Gaston Defferre nommé à la tête de la Délégation spéciale administrant la ville en attendant les élections.
À travers cette histoire mouvementée, Pierre Guiral s’efforce à l’impartialité de l’historien et tente de n’oublier personne. Mais conscient des risques de l’entreprise – comme il l’annonçait en introduction – n’a-t-il pas, par prudence, préféré ne pas trop allonger son texte et laisser la parole, à travers de nombreuses annexes, à des témoignages qui « n’engagent que leurs auteurs » ?
M. Gaston Defferre a préfacé le livre de Pierre Guiral ; il souligne quelle occasion manqua le parti socialiste quand, dans la clandestinité, il refusa derrière Daniel Mayer et malgré l’avis de Gaston Defferre, l’union avec le Mouvement de libération nationale, qui aurait pu permettre l’avènement d’une démocratie socialiste. ♦