Chrétiens et Églises dans la vie politique (60e session)
Si la 60e session des Semaines sociales de France a pris pour thème « Chrétiens et Églises dans la vie politique », c’est évidemment parce que l’épiscopat français avait consacré sa session pastorale de Lourdes 1972 à « Politique, Église et foi ». C’est pour la même raison que Mgr Matagrin, principal artisan du travail épiscopal en la matière, et que plusieurs des experts qui avaient collaboré avec lui ont été invités à y prendre la parole.
En raison de la multiplicité des intervenants et de la brièveté de leurs exposés, il n’est pas possible de dégager en quelques mots les lignes de forces de l’ouvrage, chacun y introduisant sa problématique personnelle, même si la plupart révèlent des options fondamentales communes. Nous devrons nous contenter d’une sèche énumération. Bernard Porte a parlé de « Foi et politique, interpellations réciproques » et Alfred Grosser a esquissé « Le nouveau visage du politique ». Quant à André Latreille et Henri Madelin, ils avaient pour thèmes : « Chrétiens et Églises dans la société politique : évolution et situation mondiale » pour le premier et « Les chrétiens et la vie politique dans la France d’aujourd’hui » pour le second. Les thèmes des autres interventions étaient les suivants : René Rémond, « La communauté ecclésiale et la société politique » ; Mgr Matagrin, « La mission prophétique de l’Église en matière politique » ; René Pucheu, « La politique a-t-elle un sens ? » ; Charles Bonnet, « Exigences évangéliques et vie politique » ; Pasteur Monsarrat, « Compter sur le Seigneur » ; Cardinal Renard, « Le Christ et le pouvoir politique » ; Joseph Templier, « Le pluralisme en question » ; Jean Rivero et Philippe Farine, « Être chrétien en politique : Perspectives d’avenir ».
Nous retiendrons particulièrement la finesse avec laquelle René Rémond a formulé la prospective des rapports entre l’Église et l’État : « Il y aura toujours, quoi qu’on veuille, assure-t-il, des relations entre nos deux communautés. Le contraire n’est ni possible ni souhaitable. Mais ces relations s’établiront à l’avenir dans un esprit et sur des principes tout différents de ceux qui caractérisaient les relations traditionnelles : ce ne pourra plus être sur la base de rapports privilégiés ou de concessions réciproques. Désormais les relations se fonderont sur la règle de l’universalité et de l’égalité sans exceptions : la liberté pour tous et avec tous (p. 141) ». C’était déjà, fondamentalement, la perspective de la Déclaration Dignitatis humanae de Vatican II. Elle est celle que nous avons fondée et développée théologiquement dans notre Théologie de la liberté religieuse (Gembloux, Duculot, 1969).
Quant aux Tables rondes, elles ont abordé les thèmes suivants : « Signification du combat politique » ; « Chrétiens, guerres et violence » ; « Chrétiens et luttes de classes » ; « Chrétiens et justice internationale ». Les notations d’André Jeanson sur la lutte des classes et l’apport marxiste sont particulièrement suggestives.
À notre point de vue, la formulation correcte de la responsabilité de l’Église dans le domaine politique se situe dans le cadre esquissé par le cardinal Villot, dans sa lettre à Alain Barrère, président des Semaines sociales de France : « Face à tous les grands problèmes qui préoccupent justement les forces politiques, écrit-il, l’Église se doit d’être présente et même d’intervenir de façon plus concrète dans l’existence quotidienne. En ce sens, elle doit aider la société politique. Et pourtant elle ne saurait se confondre avec elle, encore moins laisser absorber son action par celle de tel ou tel groupe politique. La distance qu’elle prend nécessairement en ce domaine, la perspective originale qu’elle adopte, ne sont pas affaire de prudence, de démission ou d’indifférence : elles ne peuvent se comprendre qu’en se replaçant devant le mystère de son identité, de son origine, de sa finalité, de ses moyens spécifiques. Elle n’a pas reçu mission de réunir les hommes pour prendre en charge la construction de la société civile » (p. 14-15). « Tout est là : la mission de l’Église a un impact politique, mais elle est d’un autre ordre : le rassemblement des hommes en Jésus-Christ par les moyens de l’Évangile ; la coopération avec lui au salut de l’humanité, qui ne se confond pas avec la libération socio-politique, même s’il s’y répercute logiquement par l’action responsable de ceux qu’animent les exigences évangéliques. » ♦