Parmi les très nombreux ouvrages consacrés à la Résistance, celui de Pierre Seghers occupe une place particulière. Il obéit à deux sortes de préoccupations : faire connaître un certain nombre d’œuvres poétiques, le plus souvent ignorées du grand public, qui ont vu le jour pendant la guerre de 1939-1945 et évoquer l’ambiance dans laquelle ces œuvres ont été conçues, écrites et diffusées. La grande réussite du livre tient à ce que ces deux principaux thèmes y sont habilement entrelacés, pour satisfaire à la fois ceux des lecteurs qui ont le goût de la poésie et ceux qui ont le goût de l’histoire.

Les amateurs de poésie trouveront dans le texte même du récit de nombreuses citations très bien introduites, accompagnées de commentaires qui ressortissent à la critique littéraire la plus rigoureuse et la plus subtile. En outre, à la fin du volume, près de 250 pages sont réservées à un Choix de Poèmes qui constitue une véritable anthologie de la poésie française de cette époque. On sera sans doute étonné du nombre de poètes cités, dont beaucoup, hélas ! ont disparu au cours des persécutions nazies, en laissant des œuvres d’une grande qualité et pleines de promesses.

Ceux qu’intéresse l’histoire et qui sont déjà familiers de celle de la Résistance seront surpris de l’abondance des renseignements inédits ou précédemment mal connus contenus dans ce livre. Certains de ces renseignements, sans doute, ont une portée limitée et quelque peu anecdotique. Mais d’autres projettent un éclairage nouveau et très intéressant sur des événements importants dont beaucoup d’historiens n’avaient pas, jusqu’à maintenant, exploré tous les aspects. En tout état de cause, Pierre Seghers ne s’est pas limité à ses seuls souvenirs personnels. Il les a complétés par un travail de recherche et par des enquêtes minutieuses qui font de son œuvre beaucoup plus qu’un simple témoignage.

Peut-être pourra-t-on néanmoins lui reprocher de trop fréquentes incursions dans la politique. Il était déjà poète avant la guerre. Il choisit la Résistance sous l’Occupation. Ces deux activités sont alors devenues pour lui complémentaires et on décèle dans son livre une certaine tendance à définir l’une par l’autre, ce qui n’est sans doute pas absolument juste à l’égard d’inspirations autres que la sienne qui ont incontestablement existé.

Il serait donc exagéré de prétendre que Pierre Seghers se soit proposé comme but une « reconstitution à la fois historique et littéraire » de cette période de notre histoire. Le titre choisi dément d’ailleurs cette interprétation. La Résistance et ses poètes n’englobe pas toutes les activités poétiques du pays. Mais tel quel, c’est incontestablement un très beau livre, d’une inspiration généreuse, écrit dans un style noble et harmonieux qui sied à un poète. ♦