L’Église et la révolution du Tiers-Monde
Quels que soient les critères sur lesquels on s’appuie pour définir le Tiers-Monde, force est de reconnaître qu’il constitue un monde différent. Par le spectacle de sa misère. Par sa crise : c’est un monde convulsé, où tous les gouvernements se disent révolutionnaires. L’Église ne pouvait demeurer indifférente : « Qu’est-ce qu’une Église qui n’aurait aucune réponse à l’appel du Tiers-Monde, à l’interrogation du monde d’aujourd’hui ? Plus que quiconque, l’Église est concernée ». Le Tiers-Monde est-il concerné par elle ? « Non seulement là où le monde est chrétien, mais là où la loi est à peine implantée, d’où viennent les ferments qui travaillent le monde ? » De là, Pierre Bigo arrive à une affirmation qui constitue la base même de son livre : « Tiers-Monde, Église : une relation, une symbiose inscrite dans l’histoire ». Sans doute exprime-t-elle, dans une large mesure, ce qu’il a retenu de ses séjours en Amérique latine et en Afrique noire. Mais c’est alors qu’apparaît l’aspect politique du problème.
« Le monde est un. Le Tiers-Monde est une déchirure. Au-delà des énergies immanentes les plus nobles et les plus hautes, qui sont à l’œuvre pour rassembler l’humanité, il y a encore une force de convergence qui n’est absolument pas lui… C’est sa mission (de l’Église) entre toutes aujourd’hui de donner sa chance à la révolution du Tiers-Monde ». Il est difficile de ne pas assimiler le Tiers-Monde aux pauvres, mais par quels moyens l’Église peut-elle lutter contre cette pauvreté et contre les complexes qu’elle suscite ? Doit-elle tenter de pénétrer à l’intérieur de ces sociétés comme les prêtres-ouvriers ont tenté de pénétrer à l’intérieur des sociétés prolétariennes ? L’expérience a été décevante, quelles qu’aient pu être la conscience, la loyauté, l’espérance des prêtres qui l’ont menée : beaucoup ont donné la primauté à l’ouvrier sur le prêtre. Dans le Tiers-Monde soumis aux propagandes marxistes, peut-on prendre le risque d’une « marxisation » de l’action évangélique ? Comment prendre en charge la violence révolutionnaire ? De telles questions suffisent à montrer l’importance de ce livre. ♦