Phénoménologie de l’esprit révolutionnaire
Inspiré, quant au titre et (en partie) quant à la méthode d’analyse, de la célèbre Phénoménologie de l’Esprit de Hegel, cet ouvrage difficile d’un professeur de philosophie de l’Université de Turin s’efforce de cerner les motivations du Révolutionnaire, dans la mesure surtout où elles sont foncièrement différentes, à notre époque, de celles du Révolté, du Contestataire, et bien entendu, du Bourgeois.
Cette meilleure connaissance d’une forme d’esprit qui se révèle de plus en plus contagieuse, surtout parmi les jeunes, ne nous est pas proposée dans un but politique. L’auteur s’attache à la seule analyse objective d’une certaine attitude individuelle – le révolutionnarisme. Il s’interdit de la condamner ou de la justifier, et encore plus d’en tirer des conclusions. La seule récompense de celui qui l’aura suivi dans sa démarche intellectuelle réside dans la satisfaction que peuvent procurer d’austères séances de réflexion et de raisonnement.
Comme dans tout ouvrage sérieux de ce genre, le vocabulaire et les références utilisées par l’auteur ne sont pas courants. Ils supposent de la part du lecteur une connaissance déjà approfondie des principales sources de la philosophie moderne, c’est-à-dire des théories, systèmes, ou écoles de pensée sur lesquels elle s’appuie.
L’ouvrage de Vittorio Mathieu ne peut pas pour autant être qualifié de rébarbatif. L’auteur a beaucoup d’esprit et de brio, à la manière italienne, qui est faite de distinction, de mesure et de bon goût. Il le prouve en illustrant ses raisonnements d’exemples choisis avec beaucoup de finesse et d’à-propos, empruntés à l’histoire, mais aussi à la littérature. Shakespeare, entre autres, lui fournit une mine de situations qui, si elles ne sont pas « tirées de la réalité effective », peuvent être mises « en opposition pour mieux faire ressortir et révéler le sens des choses réelles ».
Bien entendu, le propos de Vittorio Mathieu faisait qu’il ne pouvait systématiquement s’interdire toute allusion à l’actualité. Nous devons à cet impératif du sujet quelques-unes des pages les plus brillantes du livre, celles, en particulier, consacrées au « véritable visage » de la révolution culturelle de Mao ou au déclin actuel du « révolutionnarisme scientifique » de Marx.
Tour à tour paradoxales, obscures et lumineuses, les idées de Vittorio Mathieu ne paraîtront ni ennuyeuses, ni indifférentes, à ceux qui ne se laissent pas rebuter par l’effort intellectuel. ♦