L’identité culturelle de l’Islam
L’Islam est aujourd’hui une communauté déchirée, ses intellectuels constatent son déclin culturel, mais ils répugnent à prendre modèle sur une civilisation occidentale qu’ils ne séparent pas des sujétions politiques que leur ont imposées certains peuples occidentaux. La plupart admettent qu’ils doivent prendre à l’Occident une partie de son bien, mais ils se demandent s’ils peuvent le faire sans dénaturer, ou même renier ce qui constitue l’essence de leur culture. C’est, depuis plus d’un siècle, mais avec des formes toujours plus véhémentes, la querelle des modernistes et des traditionalistes : elle n’a pas fini de diviser les esprits des musulmans. Gustave E. von Grunebaum étudie ici les modalités à travers lesquelles se joue la vocation unitaire de l’Islam, s’attachant au fonds propre de l’Islam, au concept de classicisme qui s’y est développé, à l’idée qu’il s’est faite de lui-même au cours des siècles, ainsi qu’au problème de l’influence culturelle des échanges et des emprunts.
L’Islam s’interroge. La conscience nostalgique de la communauté traditionnelle, l’Umma, les idéaux de l’unité arabe escortent l’occidentalisation de leurs manifestations compensatrices. L’Islam tente de cantonner ses emprunts au plan matériel, mais ceux-ci débordent inévitablement sur les institutions et les attitudes. Cela même qu’il adopte ou qu’il doit subir, l’Islam en vient tôt ou tard à l’infléchir dans le sens de sa vieille lutte contre l’Occident. C’est le problème de l’acculturation qui est ainsi pose. Von Grunebaum arrive à la conclusion que l’identité ancienne est désormais tombée en désuétude et subit une restructuration dont les contours restent encore indéfinis et les tendances contradictoires. C’est là une donnée majeure des rapports Orient-Occident, et ne fût-ce qu’à ce titre, le livre de von Grunebaum apporte beaucoup à notre connaissance et à notre compréhension des tensions morales sans lesquelles certains antagonismes politiques ne seraient pas aussi âpres qu’ils sont. ♦