Introduction à l’histoire de notre temps. T. I : L’Ancien et la Révolution 1750-1815 ; T. II : Le XIXe siècle 1815-1914 ; T. III : Le XXe siècle à nos jours
Les trois volumes de cette « Introduction à l’histoire de notre temps » reproduisent un cours professé à l’Institut des Sciences Politiques de Paris par M. René Rémond. C’est un « enseignement de caractère général » qui nous est présenté, « éloigné de toute préoccupation érudite, et qui avait pour seule ambition d’introduire à l’intelligence du monde contemporain un auditoire plus tourné vers l’exercice des responsabilités actives qu’attiré par la connaissance désintéressée ».
Au cours d’un long « avertissement au lecteur », René Rémond nous fait part de toutes les réticences qu’il éprouvait à la publication du texte de ses conférences, « persuadé de longue date que l’enseignement oral et l’écriture appartiennent à des genres nettement différenciés et qu’un cours, même de bonne qualité, ne fait pas un bon livre ». Finalement l’auteur et l’éditeur ont pris le parti de faire profiter un large public de ce cours « en lui laissant ses traits d’origine, défauts compris ».
Pour le lecteur, au terme de ces quelque 750 pages, les inconvénients inhérents au genre sont au total peu importants. Le texte présenté a été débarrassé des répétitions dues à la pédagogie directe, et restitue l’écho fidèle d’un enseignement oral, donc très proche d’une pensée échauffée par le contact avec les auditeurs. Sans jamais succomber au style accrocheur, l’auteur multiplie les formules pleines et heureuses, expression d’une vue synthétique des phénomènes liés à l’évolution des sociétés.
L’ampleur démesurée du sujet que l’auteur se proposait de traiter – deux siècles de l’histoire du monde – est par contre à l’origine d’une certaine inégalité de l’ouvrage. Certes il s’agissait seulement pour le professeur de remettre en mémoire à ses étudiants des points d’histoire essentiels, de signaler et de baliser les routes diverses qui aboutissent à notre temps et de définir les grands courants de pensée – libéralisme, démocratie, socialisme, nationalisme… – qui ont alimenté les idéologies contemporaines ; mais la multitude des faits et des problèmes abordés de façon trop rapide confère un caractère allusif et parfois vague à l’ensemble du texte. En ce sens, ce livre se situe à mi-chemin entre un manuel se bornant à l’énumération des événements et un véritable ouvrage d’histoire générale alliant une réflexion très élaborée et une référence précise aux faits. Par ailleurs tous les domaines de l’histoire ne sont pas analysés avec la même rigueur : de longs et brillants développements sur « l’organisation sociale de l’Ancien Régime » ou encore sur « l’âge du libéralisme » contrastent avec de brefs passages consacrés aux problèmes économiques et aux relations internationales. Faut-il y voir un simple choix dicté par l’ampleur du sujet ou une volonté plus profonde de l’auteur ?
En fait, cette étude est avant tout l’occasion pour M. René Rémond d’exposer ses principes d’analyse en histoire. Selon lui, une attention toute particulière doit être portée aux faits politiques et sociaux car ces phénomènes « appartiennent à un ordre de réalité autonome qui a une spécificité propre et dont l’explication doit être demandée en priorité à lui-même ». Sans ignorer l’impact des faits économiques sur le politique et le social, René Rémond rejette tout déterminisme comparable à celui qu’implique le matérialisme historique. Pour lui, « les faits économiques… n’interviennent dans l’enchaînement des événements politiques ou dans la dialectique des relations sociales que par la médiation de réalités intermédiaires, psychologiques ou idéologiques. » En d’autres termes, le travailleur n’est pas dans le processus de formation de la réalité historique plus décisif comme travailleur que comme habitant, croyant, citoyen. Ainsi le principe de causalité en histoire est à définir comme « réciproque ou circulaire ».
En dernier lieu, cette Introduction à l’histoire de notre temps trouve son intérêt majeur dans le fait qu’elle est aussi une introduction aux méthodes d’analyse en histoire. ♦