L’univers des images aimées
En dépit du mauvais coup que leur porta à l’origine le fabuliste Florian avec Le singe qui montre la lanterne magique, les cinéastes se portent fort bien, mais le haut degré de perfection auquel est parvenu le cinéma de nos jours tend à faire oublier qu’il est le produit d’une somme d’inventions qui ont fait de l’image animée la merveille technique qu’elle est actuellement et dont l’homme a tiré l’art le plus envoûtant de notre époque.
C’est le mérite de ce petit livre, très simple et de lecture agréable, de nous retracer ce long cheminement fait de patience, d’ingéniosité et d’imagination et de marquer les étapes sans lesquelles le Septième Art n’aurait pu prendre le prodigieux essor qu’il connaît aujourd’hui : celle de la photographie (1830-1835) avec le chimiste Niepce et le peintre Daguerre et plus tard Marey ; celle des frères Lumière (1895) qui firent jaillir les images hors de la boîte où Edison les avait enfermées ; celle de Georges Méliès, génial créateur du spectacle cinématographique, de Gaumont qui lui donna la couleur et celle des techniciens américains de la Western Electric qui apportèrent à un art essentiellement visuel le merveilleux complément du son et du verbe pris sur le vif.
Mais là ne se borne pas l’intérêt du livre de Charles Ford. Il va bien au-delà et nous montre comment chaque peuple a réagi à l’ensemble des techniques cinématographiques et les a exploitées, selon les époques, pour y exprimer son génie propre. André Malraux note que : « …si le cinéma était resté en l’état dans lequel il se trouvait au moment où Lumière venait d’inventer le cinématographe, il n’aurait été rien d’autre que la photographie des gestes tout comme la photographie fixe est le reflet des altitudes ». Petit à petit un langage s’est formé qui a abouti à une véritable esthétique visuelle, laquelle, à son tour est devenue un art, l’art des images animées.
Une ère nouvelle s’est ouverte, il y a trente ans, avec la télévision. Elle fait pénétrer le cinéma dans la vie quotidienne, par l’enregistrement en direct, rendu possible grâce à la légèreté et à la simplicité des appareils d’enregistrement. Elle lui imprime aussi un néoréalisme qui contribue à son total dégagement du courant théâtral qui l’avait sclérosé. Mais cette tendance elle-même ne va pas sans abus ni sans confusions où la beauté risque d’être submergée par la vulgarité et l’exploitation du goût du scandale.
Écrit par le spécialiste de renommée mondiale qu’est Charles Ford, critique et auteur de divers ouvrages faisant autorité sur le cinéma, ce petit livre est non seulement fort instructif mais donne à réfléchir. ♦