Éloge de l’indocilité
Surréaliste à l’itinéraire politique compliqué (jadis adepte du communisme, il en est maintenant un critique acerbe), André Thirion a raconté dans Révolutionnaires sans révolution le contact manqué entre le surréalisme et la révolution communiste.
Il regroupe ici, sous le titre Éloge de l’indocilité, un ensemble de textes à l’inspiration apparemment très variée, mais que l’on pourrait peut-être qualifier de « collège surréaliste ». André Thirion présente ainsi son thème dans l’avant-propos :
« Les sociétés humaines sont faites de structures contraignantes. Elles en tirent leur cohésion… L’avenir de l’homme n’est pas dans la conservation des structures, mais dans sa capacité de création (ou de destruction) et dans son pouvoir de désobéissance… La règle de sauvegarde semble être une certaine constante d’indocilité tant envers les volontés qu’à l’égard des doctrines. La société pose l’organisation et la discipline ; si l’individu n’oppose pas son indocilité, il ne sera pas en mesure de distinguer le civisme de la soumission ».
Dans cet assemblage de textes, on est quelque peu surpris de trouver un long chapitre d’histoire militaire : les malheurs de la 49e Brigade. À partir des souvenirs d’André Thirion enfant, habitant Baccarat en août 1914, André Thirion écrivain a reconstitué avec minutie – et certainement grâce à un dépouillement d’archives du Service historique de l’Armée – les combats menés sur la Meurthe de Baccarat, et de part et d’autre de la route Baccarat-Rambervillers, par la 49e Brigade du 21e Corps les 24-25 août 1914.
Il s’agit de combats menés pendant la retraite de l’armée Dubail, lancée vers Sarrebourg sur un terrain difficile et qui dut rapidement rétrograder jusqu’à la Meurthe et même au-delà puisque Baccarat fut occupé.
Il est très difficile de décrire sans ennui pendant 80 pages, des combats de régiments et de petites unités, en n’ayant que le support d’une petite carte schématique de la région. Disons que cette longue évocation n’est pas ennuyeuse ; elle est précise, critique, écrite dans un style sobre. Ce qui sous-tend ce texte, c’est le regret de constater l’absence d’indocilité vis-à-vis – non pas de la mission, mais de la doctrine – absence d’indocilité par manque d’imagination des chefs de haut grade que va pallier peu à peu le sens de l’adaptation des officiers de troupe au contact des sanglantes réalités du combat. Mais à Baccarat, le 25 août 1914, les leçons n’avaient pas encore été tirées : les hommes du 86e RI lancés par trois fois à la reconquête du pont sur la Meurthe étaient fauchés impitoyablement par la mitrailleuse allemande des Cristalleries. ♦