Histoire de la Seconde Guerre mondiale
Mort en 1970, Sir Basil Liddell Hart avait eu le temps de terminer cette volumineuse histoire de la Seconde Guerre mondiale dont la traduction en français vient seulement de paraître.
Ce livre doit attirer l’attention par la personnalité de son auteur, théoricien et critique militaire renommé. Liddell Hart est sorti de la Première Guerre mondiale en en tirant deux leçons : la Grande-Bretagne entre 1914 et 1918 s’est laissée entraîner dans une stratégie clausewitzienne de la bataille, qui va à rencontre de toutes les traditions britanniques : la bataille n’est qu’un moyen parmi d’autres pour affaiblir et détruire l’adversaire, d’où la définition d’une stratégie de l’approche indirecte. Deuxième leçon : l’avenir est à la force mécanique.
C’est à la lueur de cette double réflexion qu’il faut aborder son dernier livre, car s’il se veut historien. Liddell Hart reste avant tout théoricien et critique, et en même temps britannique. On peut regretter cet « hyperbritannocentrisme » que le général Beaufre dénonce amicalement dans sa postface. Disons que souligner particulièrement le rôle des forces nationales au détriment de celui des Alliés n’est pas spécifique à Liddell Hart. Mais la manière furtive dont il évoque la part du Corps expéditionnaire français (CEF) à l’écroulement du front allemand de Cassino, peut surprendre un lecteur français averti. Il faut toutefois noter que Liddell Hart sait porter des jugements critiques sur l’action du gouvernement et du commandement britannique, lorsqu’elle lui apparaît erronée. Le chapitre sur l’invasion de la Norvège en 1940 est particulièrement objectif : il y analyse fort bien les tentations de la politique anglaise ainsi que les dangers réels qu’elle contenait et il se scandalise qu’à Nuremberg on ait pu faire figurer, dans l’acte d’accusation contre l’Allemagne, la préparation et l’exécution de l’agression contre la Norvège : Grande-Bretagne et Allemagne en 1940 en étaient au même point dans leur plan contre la Norvège « mais l’Allemagne plaça un démarrage plus puissant ; elle emporta la course d’une courte tête, ce fut presque un cas de photo-finish ».
Objectifs également sont les passages que Liddell Hart consacre à l’opération Goodwood, dans la plaine de Caen en juillet 1944, et où il montre bien, contrairement aux assertions de Montgomery après l’échec de l’opération, que les objectifs réels de l’opération étaient la percée vers Falaise.
Son jugement est également net sur la relative inefficacité des bombardements de zone pratiqués par le Bomber Command aux ordres de Sir Harris, bombardements qui, selon Liddell Hart, témoignent d’un parfait mépris « pour la plus élémentaire moralité ».
Il est donc difficile de reprocher vraiment sa partialité à sir Basil. Il encourt plutôt le reproche de ne nous offrir qu’une histoire des opérations des armées régulières pendant la Seconde Guerre mondiale, et non pas une histoire de la guerre comme le titre le suggère. De nombreux aspects sont passés sous silence (mobilisation économique, guerre économique), en particulier un phénomène si caractéristique de la guerre 1939-1945 : les résistances dans les territoires occupés (la résistance polonaise n’est évoquée qu’à travers l’insurrection de Varsovie ; une demi-ligne seulement est consacrée aux partisans yougoslaves ; aucune allusion n’est faite à la résistance en Europe occidentale). Le prophète de la guerre mécanisée n’aura probablement jamais apprécié à sa juste valeur cette forme de lutte du faible au fort. ♦