Dieu en liberté (conversations avec Claude Glayman)
Ce qu’on attend généralement d’un journaliste de la presse d’opinion, c’est qu’il se porte à l’avant-garde du combat pour la vérité vers laquelle le lecteur cherche sa voie. Les deux premiers auteurs de la nouvelle collection dirigée par Claude Glayman aux Éditions Stock, Françoise Giroud avec Si je mens… et Jean Daniel avec Le temps qui reste, répondaient bien à cette attente d’authenticité. Tel est également le cas du troisième héros qui réfléchit aujourd’hui sur sa vie : soixante-quinze années d’une vie consacrée depuis l’âge de vingt-sept ans au journalisme et à l’approfondissement de sa foi chrétienne.
Ce n’est pas tellement l’exercice de son métier qui a valu à Georges Hourdin de connaître la réalité divine mais bien plutôt l’épreuve, celle du « malheur innocent ». Trois fois au moins, il est touché dans sa chair : à dix-sept ans, il est terrassé par des crises d’épilepsie, un mal contre lequel, à cette époque, la médecine était désarmée, il devra interrompre ses études pendant dix ans, puis repartir à zéro et préparer sa licence de droit tout en travaillant comme employé de bureau. En 1943, il perdra sa fille aînée dans le bombardement de Meudon. Sa femme désire lui donner une autre fille : elle mettra au monde une petite mongolienne… De ces épreuves, Georges Hourdin tire peu à peu la véritable signification chrétienne ; elles l’ennoblissent, c’est à peine s’il les mentionne, brièvement, dans son livre, sans amertume. Mieux, la dernière épreuve, il la transforme en la joie de donner à cette fille infirme la dignité véritable d’une personne. « Dieu, conclut-il, est libre de s’adresser à nous quand il veut et sous la forme qui lui plaît. Et nous sommes libres, nous, d’accepter ou de refuser son appel ».
À côté de ces épreuves difficiles, Georges Hourdin connaît de grandes chances. Celle d’hériter des dons de parents aux qualités dissemblables dont il saura faire pour lui-même l’heureuse synthèse : une mère royaliste à la foi solide, un père républicain épris de l’idéal socialiste. Celle d’être mis en contact avec le cercle Psichari par le futur Mgr Piquart de la Vacquerie, alors curé à Saint-Dominique : là, il découvrira la dimension sociale et universelle du message chrétien. Celle de s’initier à la vie politique et au journalisme en devenant, en 1927, le successeur de Marcel Prélot comme Secrétaire du groupe parlementaire démocrate populaire et en prenant dans le même temps la charge de l’hebdomadaire du parti. Celle plus encore de pouvoir enfin mener le combat qui sera vraiment le sien, avec La Vie catholique que lui confie Francisque Gay en 1932 et, plus tard, avec le journal fondé par une équipe de Dominicains, sous le titre de Sept, l’hebdomadaire du temps présent, dont il assumera la direction en 1937 lorsque le Maître général de l’Ordre, pro-franquiste et mécontent de la position prise par l’hebdomadaire dans la guerre d’Espagne, interdira à ses religieux de collaborer au journal. C’est là qu’il connaîtra Mauriac, Maritain, Daniel Rops, P.H. Simon, Gabriel Marcel, Maurice Schumann… Ils feront de Temps présent, successeur de Sept, un hebdomadaire de combat contre les dictatures.
On sait la suite ; la guerre, une participation à la résistance sur laquelle l’auteur reste trop discret, puis l’essor qu’il donnera à La Vie catholique, à Télérama et nombre de revues catholiques spécialisées.
Mais c’est vraiment à Temps présent que Georges Hourdin a trouvé pour la première fois le bonheur de réaliser pleinement la fusion de sa vie de militant et de son métier de journaliste. De ces épreuves, de cette suite de combats, racontés simplement mais avec ferveur, se dégage toute la joie d’agir de cet homme profondément épris de son art : « faire un journal, fabriquer ce miroir où des centaines de milliers de lecteurs viennent contempler les événements et les comprendre, c’est resté ma joie et le lieu privilégié de ma vie professionnelle. »
Un livre d’une lecture singulièrement réconfortante et qui exulte de la bonne nouvelle, ce qui n’est, hélas, pas si fréquent de nos jours chez les Chrétiens. ♦