De Gaulle, artiste de la Politique
Les biographies suscitées par la personnalité prodigieuse du général de Gaulle sont fort nombreuses, mais les éclairages, flatteurs ou non, sous lesquels elles ont peint leur sujet n’échappent guère à la convention. Il n’en est pas de même ici où « l’artiste de la politique » apparaît sous les durs feux de la scène du monde avec les traits qu’il s’est imposés pour jouer un texte écrit par lui-même sur la trame de l’Histoire en marche.
Être en « situation » toujours, quel que soit l’inattendu de l’événement, ne jamais se laisser distraire du rôle, capter son public en le captivant, tels ont été les problèmes de l’acteur. Il les a résolus en se créant lui-même. Ainsi réalise-t-il la symbiose de l’œuvre d’art « le Général » et de son créateur « Charles de Gaulle ». Mais il ne se contente pas de réaliser l’identité du chef-d’œuvre avec son auteur, il veut que l’auteur lui-même ressemble à la France, chef-d’œuvre plus haut, seul propos de sa vie d’homme politique.
« Quand le général de Gaulle parle de la France, nous disent Stanley et Inge Hoffmann, il parle de lui-même, de la Grandeur qui est parfois Superbe, solitude ombrageuse, mais intégrité, amour-propre, dignité »… « L’exemple qu’il donne à la France, la France doit le donner au monde et se conduire comme de Gaulle en plus grand ».
Encore faut-il que la France le veuille et persévère dans sa volonté. Il arrive cependant que les pièces ne demeurent plus à l’affiche que par la qualité de l’acteur, et par le souvenir de ses triomphes passés. Mai 68, et un an plus tard, une dernière tentative pour ranimer l’ardeur par un grand dessein… Jusqu’au bout il aura conservé le « suspense » de la fin de son drame. Il ne quittera donc pas la scène avec la vanité dérisoire d’un historien impérial. Sa sortie sera noble, dans son style, et sereine parce qu’il sait que si l’artiste va disparaître, son chef-d’œuvre, lui, survivra et restera exemplaire. Disparu, il va laisser, nous disent très joliment les auteurs de cet excellent petit livre, « une cicatrice au visage de l’Histoire ». ♦