L’Iran face à l’imposture de l’histoire
Le Prince Mozaffar Firouz appartient à la dynastie Kadjar mais, néanmoins, il a été, après la première guerre, vice-président du Conseil puis ambassadeur de son pays à Moscou : son opposition au régime des Pahlevi est donc plus essentiellement politique que dynastique. Aussi bien, c’est un survol complet de l’histoire politique et philosophique de toute la Perse qu’il a choisi de nous donner dans son ouvrage, ce qui lui donne un intérêt très varié et très complet.
La thèse fondamentale du Prince Firouz est que « la conception monothéiste de la religion et l’éthique morale et sociale de la civilisation occidentale ne sont pas d’origine judéo-hellénique, contrairement à ce qui a été transmis par des siècles de falsification méthodique et soigneuse de l’histoire, mais sont en fait d’inspiration purement iranienne et aryenne ». Et pour nous parler de ce qui est aryen et de ce qui ne l’est pas, il faut reconnaître que ce prince Kadjar est plus à son aise que tel agitateur viennois. C’est, selon l’auteur « trois siècles avant qu’Abraham ne quitte Ur en l’an 2000 avant notre ère, que Zoroaste proclame en Perse l’unité de Dieu et une conception monothéiste de la religion. Il fonde également le principe dialectique de la lutte permanente entre deux contradictions représentées par le bien et le mal, et qui constitue la base de tout progrès spirituel et matériel ». L’Iran serait ainsi la source de l’ensemble des religions occidentales, et c’est Mazda qui aurait inspiré l’idéal de Jehovah, de même que c’est Cyrus qui, en prenant Babylone, a libéré les Juifs. Quant au rôle de l’Iran dans la civilisation arabe, il fait également l’objet d’un chapitre exceptionnellement approfondi, où l’auteur montre les liens secrets du zoroastrisme et du chiisme.
Quant au passé plus récent de l’Iran, l’auteur le connaît bien pour l’avoir vécu soit dynastiquement soit personnellement, et il en dresse un tableau très fouillé : « Il est intéressant de noter, écrit-il, que la politique impérialiste britannique en Iran, même au sommet de sa puissance dans le monde, était inspirée par une politique de division de l’Iran en deux zones d’influence, le nord étant la zone russe et le sud avec les puits de pétrole tombant dans la zone britannique ». De là ont résulté les graves difficultés de l’Iran après la dernière guerre, difficultés à la solution desquelles le prince Firouz a été, par ses fonctions ministérielles puis diplomatiques, très directement mêlé. Sa passion est de voir son pays reprendre, à rencontre des Anglo-Saxons comme des Soviétiques, les rênes de son indépendance nationale. Le Prince s’y engage et l’aventure politique de Mossadegh, dont il décrit parfaitement le dessein, la volonté et la chute, exaltera et finira (jusqu’à nouvel ordre) sa carrière politique. Pour le Prince Mozaffar Firouz, citant un historien américain de la CIA, Andrew Tully, « l’opération Mossadegh a été une opération américaine du début jusqu’à la fin ». La rupture est ici consommée avec le Shah qui, dans ses Mémoires, écrit quant à lui : « Je défie quiconque de prouver que le renversement de Mossadegh n’a pas été fondamentalement l’œuvre de mon pays ».
L’auteur conclut son livre en s’interrogeant sur le destin du monde en général et sur celui de l’Iran en particulier. Il est de ces nationalistes épris d’universel et pour qui seule la nation iranienne indépendante peut participer au monde et lui apporter les valeurs historiques et politiques qu’elle incarne depuis un millénaire et demi. C’est une attitude très « gaullienne » en somme. Qu’on admette ou non les thèses du Prince Firouz, il est en tout cas une qualité majeure qu’on ne déniera pas à son livre : la ferveur. ♦