La France de Vichy 1940-1944
Robert O. Paxton est américain, professeur à la Columbia University où il enseigne l’histoire de l’Europe contemporaine. Pour lui (et comment lui en faire grief ?), Vichy est un épisode comme un autre de l’histoire de France. Déjà relativement lointain d’ailleurs : l’auteur n’avait, quant à lui, que 8 ans à l’époque.
Il a donc abordé son sujet non pas en témoin, ou en observateur, mais en historien : sans opinion préconçue au départ, sans thèse à défendre et sans passion autre que celle de la vérité objective. Toujours en historien, il a soigneusement inventorié les sources actuellement disponibles, il en a fait la critique, a rejeté les témoignages qui lui paraissaient suspects ou partiaux, rapproché les documents d’origines différentes… Les matériaux une fois rassemblés et triés, il a reconstruit, à son idée, bien entendu ; et c’est l’ouvrage (il faudrait plutôt dire l’œuvre dans le sens du maître d’œuvre opposé au maître de l’ouvrage) qui est aujourd’hui présenté au public français.
Ce public n’est cependant pas tellement disposé, croyons-nous, à juger cette œuvre avec la sérénité et le détachement qui ont incontestablement présidé à sa création. Vichy reste terriblement proche et présent dans la mémoire, dans la conscience et presque dans la chair de la plupart des Français. Le recul du temps est encore loin d’avoir effacé les impressions, adouci les rancœurs, calmé les enthousiasmes ou les écœurements. Et surtout, il est loin d’avoir rendu à tous les Français le courage d’être sincères avec eux-mêmes, d’avouer ce qu’ils ont vraiment pensé, dit ou fait à l’époque. Les réactions aux films récents Le Chagrin et la Pitié [NDLR 2020 : film documentaire de Marcel Ophuls, 1971, 4 h 11] et Français, si vous saviez [Documentaire d’André Harris et d’Alain de Sedouy, 1973, 8 h 25] le prouvent bien.
Il ne semble pas, dans ces conditions, qu’il puisse être bien utile d’instaurer un débat sur les positions adoptées par Robert O. Paxton. Tout le monde y trouverait à redire et personne ne serait convaincu. Personne ne voudra accepter, ni les thèses de l’auteur, ni celles des critiques.
Mais, il n’était pas inutile de signaler qu’il s’agit, en tout état de cause, d’un ouvrage éminemment sérieux, scrupuleusement honnête, remarquablement documenté, fort bien écrit et excellemment traduit.
Il retiendra certainement l’attention de tous ceux qui voudraient l’aborder avec objectivité et sans passion. Sa lecture peut donc être recommandée sans aucune réticence. ♦