Les dirigeants de la Chine communiste, 1850-1972
Longtemps réduite au cercle des spécialistes, l’histoire de la Chine contemporaine commence à entrer dans la culture générale. Mais qui peut se flatter de connaître le nom, les actes, la vie des hommes qui ont bâti la Chine d’aujourd’hui ? « Du milieu du XIXe siècle à nos jours, la Révolution chinoise moderne se résume à l’histoire d’une double aspiration : la recherche d’un statut international autonome et celle d’une modernisation nationale auto-engendrée. Pour le monde occidental, l’histoire de cette aspiration est encore malheureusement entourée de lacunes, et d’un manque de compréhension, résultats d’une documentation inadéquate ainsi que de l’ambiguïté de réalités opposées, inhérentes à l’Empire du Milieu ».
Le livre de Chun-Tu-Hsueh, professeur à l’Institut Otto Suhr de l’Université de Berlin, n’est pas une simple galerie de portraits. Il rassemble une masse énorme de faits, et il brosse un tableau détaillé des forces et des courants qui travaillent et déchirent la Chine depuis plus d’un siècle. La méthode biographique a un double avantage : elle permet de donner un visage à des noms ou à des abstractions, et elle montre que les grandes lignes de l’évolution résultent de conflits et de prises de conscience. Des Taïpings aux communistes en passant par les républicains, revivent pour nous des hommes à la fois proches et lointains. Ceci éclaire un grand problème : « Comme dans toute société en train de changer, en Chine, une des clés de l’évolution politique est la manière dont des élites, engagées dans les différentes innovations de structure qu’implique la modernisation, et occupant, de ce fait, des positions stratégiques, supplantent des groupes dirigeants dévoués à des valeurs et à des institutions traditionnelles ». Ce sont ainsi des êtres humains que l’on trouve, qui engendrent et nourrissent le drame : l’histoire ne se comprend que par les hommes. Mais il ne faut pas se demander : qui est le chef ? Mieux vaut poser une autre question : qui dirige qui ? où vers où ? M. Chun-Tu-Hsueh n’a pas voulu répondre à cette question, il a voulu suggérer que le chemin qui mène du traditionalisme à la modernisation est long, et que l’ardeur et l’idéologie ne suffisent pas, à moins que les rêves de quelques-uns ne deviennent l’espoir de tous. Si l’on ne peut prévoir l’avenir de la Révolution chinoise, il est toutefois certain qu’une appréciation réaliste de cet avenir doit reposer, au moins partiellement, sur la connaissance des réalisations passées et de certains échecs. ♦