Jordanie réelle. T. I et T. II
Cinq ans après avoir publié le premier tome de La Jordanie réelle, Mlle Goichon nous donne la suite de son ouvrage. Il faut la louer d’avoir eu le courage de s’attaquer à ce travail aussitôt après la guerre des Six Jours (5-10 juin 1967) qui s’est traduite par l’occupation de toutes les conquêtes cisjordaniennes réalisées en 1948 par le roi Abdallah. Comme l’auteur l’indique dans son introduction, la recherche de la « valeur humaine » n’a cessé d’être le fil directeur de son étude, ce qui donne à son travail une dimension qu’on trouve rarement dans des études similaires.
On ne résume pas en si peu de lignes une œuvre de cette taille, somme d’érudition qui n’a pas, à notre connaissance, d’équivalent dans le monde. La partie de son ouvrage intitulée La Jordanie vivante répond à l’attente de toute personne soucieuse de connaître dans ses détails la vie d’un pays si mal connu ; mais c’est sans doute l’étude très poussée de ce que l’auteur nomme les « Lendemains de guerre » qui retiendra davantage l’attention du lecteur. Les faits recueillis – entre autres sur le dynamitage total, le 12 juin 1967, cinq jours après le cessez-le-feu, des villages palestiniens proches de Latroun, dont celui d’Emmaüs, où le Christ est apparu après sa Résurrection – sont incontestables et les exactions subséquentes de l’armée israélienne dans les territoires occupés, en violation de toutes les Conventions de Genève, sont objectivement rapportées et donneront à réfléchir à ceux qui contestent en bloc toutes les accusations portées contre Israël pour son comportement dans ces territoires.
Peut-être le manque de recul, une sympathie certaine pour le régime d’Amman, le blâme implicite adressé aux organisations de Feddayin extrémistes comme le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), ont-ils empêché Mlle Goichon – mais sa tâche était difficile – de donner davantage qu’un aperçu schématique des événements qui se sont déroulés à Amman en septembre 1971 et ont conduit à l’élimination des Feddayin en Jordanie. On regrettera de même que soient passées sous silence les tractations plus ou moins secrètes du roi Hussein avec des dirigeants israéliens et ses tentatives pour avancer dans la voie d’un règlement pacifique.
L’ouvrage de Mlle Goichon n’en restera pas moins « le » manuel indispensable à qui voudra étudier et comprendre ce qu’est la Jordanie de nos jours. ♦