Le conflit sino-soviétique
La collection « Que sais-je ? », depuis des années, rend de précieux services à tous ceux qui, étudiants ou non, veulent s’informer rapidement, sans que ce soit superficiellement, de toutes sortes de questions, ressortissant à pratiquement toutes les disciplines et à toutes les activités humaines.
Un des secrets de la réussite de cette collection tient à la très grande qualité et à la compétence des auteurs auxquels elle fait appel. Le problème qui leur est posé ressemble à une gageure : faire tenir en une centaine de pages la somme des connaissances acquises dans un certain domaine parfois extrêmement vaste et divers, sans pour autant verser dans le schématisme et l’approximation ou se contenter des facilités d’un résumé aide-mémoire.
En ce qui concerne l’ouvrage de Jacques Lévesque, professeur de sciences politiques à l’Université du Québec à Montréal, la gageure a été tenue. La réussite est complète, on serait tenté de dire exceptionnelle.
Le sujet n’était pas facile. Le conflit sino-soviétique n’est pas du tout un épisode classique de rivalité entre puissances, comme l’histoire en a tant connu. Les explications traditionnelles faisant appel, les unes à des rivalités économiques, d’autres à un litige de frontières, ou à un partage de zones d’influences, ou à des oppositions raciales, etc., etc., sont manifestement insuffisantes. Mais, d’autre part, se contenter d’évoquer globalement, comme on le fait trop souvent, un « différend idéologique » ne constitue pas, à moins d’analyse approfondie du contenu de l’expression, une approche suffisamment scientifique du phénomène.
En fait, la nature du conflit étudié est extrêmement complexe. Comme le sont aussi ses origines, son déroulement et ses conséquences. Débrouiller cet écheveau suppose une connaissance approfondie et surtout une compréhension très affinée des deux régimes en cause et de la mentalité des dirigeants et des masses.
Mais cela ne suffit pas. La réussite de Jacques Lévesque tient à d’autres causes encore. Il ne s’est pas borné à analyser le conflit sino-soviétique. Il l’a raconté, comme on raconte une aventure, une « tranche de vie ». Il a su créer autour d’un débat intellectuel une sorte de suspense, un mystère qui s’éclaire peu à peu et dont on voudrait, dès le départ, connaître le dénouement. Et tout cela, bien entendu, sans jamais chercher le sensationnel, sans épaissir inutilement les couleurs, sans solliciter les faits. Tout, dans ce récit, devient clarté, logique et rigueur intellectuelle. Le plan en est simple : il suit la démarche normale de la pensée. La phrase est courte, élégante.
Même ceux que la Russie ou la Chine n’intéressent pas spécialement apprécieront la maîtrise de cet exposé dense et structuré qui représente, à notre avis, un modèle du genre. ♦