L’insurrection de Varsovie
Le 2 octobre 1944, le général Komorowski, commandant l’Armée polonaise de l’intérieur, présentait sa reddition à son adversaire allemand, le général von dem Bach. Ainsi trouvait son épilogue la plus amère tragédie de la Seconde Guerre mondiale. Le 4 octobre, conformément à la décision de Hitler, nouveau Scipion, était entreprise la destruction systématique de Varsovie, autre Carthage, ou du moins ce qu’il en restait après soixante-trois jours de combats sans merci pendant lesquels les insurgés avaient défendu leur capitale quartier par quartier, rue par rue, maison par maison et parfois, on le verra, étage par étage. 16 000 tués chez les défenseurs, 26 000 chez les assaillants, plus de deux cent mille civils fusillés, morts de misère, de faim, de soif, ensevelis sous les décombres d’une des plus belles villes du monde ! Trente ans après, l’on peut se demander le pourquoi d’un tel sacrifice.
George Bruce nous répond avec son talent coutumier dans une collection dont on a pu déjà vanter ici l’excellence. Le gouvernement polonais de Stanislas Mikolajezyk, en exil à Londres, est décidé à combattre deux ennemis, les Nazis et les Soviétiques qui se sont partagé son territoire dès le début du conflit. Lorsque après les vicissitudes que l’on sait, regagnant le terrain perdu, l’Armée Rouge approche de nouveau de la Vistule, un gouvernement provisoire polonais est déjà constitué sur ses arrières et ses troupes participent au combat dans les rangs soviétiques. Pour avoir le droit de figurer à la même table que celui-ci, lors des conversations d’une paix dont on devine l’imminence, l’armée de l’intérieur croit devoir manifester coûte que coûte sa volonté de vaincre. C’est pourquoi, le 1er août 1944, l’insurrection générale est déclenchée dans Varsovie, trop tôt car les Russes sont précisément stoppés dans leur avance en Pologne par une massive contre-attaque allemande, et dans les plus mauvaises conditions, qu’elles soient matérielles, d’organisation ou de liaison. Malgré les appels au secours de plus en plus pressants, les interventions réitérées des Anglais et des Américains auprès de Moscou, toute aide sera refusée par Staline à ceux qui ne veulent se soumettre ni à la loi de l’ennemi ni à la sienne.
Écrasés dans l’étau des rivalités internationales, accablés sous une force supérieure, les Polonais n’ont pu une fois de plus que mourir en héros. ♦