Histoire de la Résistance en France. Tome 3 : Et du Nord au Midi… Novembre 1942-Septembre 1943
Lorsque Henri Noguéres, ancien résistant socialiste, entreprit cette monumentale histoire de la Résistance en France, il décida de s’adjoindre deux collaborateurs qui soient eux aussi d’anciens résistants, mais issus d’horizons politiques opposés. C’est ainsi que les deux premiers tomes furent signés, aux côtés d’Henri Noguéres, par Marcel Degliame-Fouché, ancien syndicaliste CGT (Confédération générale du travail), devenu un des responsables du mouvement Combat, et par Jean-Louis Vigier, homme de droite et membre des réseaux CDM (camouflage du matériel) et Maurice. Cette collaboration, soucieuse d’objectivité, se traduisit, à la fin des deux premiers tomes, par le point de vue de Jean-Louis Vigier : « sur quelques points importants, je ne partage pas les conclusions de mes amis. Je veux simplement en donner les raisons avec une grande modération, dans le souci exclusif de servir la vérité historique ». C’est l’interprétation de l’attitude du Parti communiste (PCF) au début de l’Occupation qui était, on s’en doute, la source de la contestation de Jean-Louis Vigier. Or la signature de celui-ci ne figure plus sur le tome III. Il était opportun de le signaler.
Ceci dit, la matière de ce livre est très riche, car elle recouvre une période capitale de la Résistance : novembre 1942, c’est la fin de la fiction de la zone libre, de l’armée d’armistice ; c’est la naissance du giraudisme. C’est ensuite l’intense activité de structuration de la Résistance en France dans un but de coordination d’abord, d’unification ensuite, des mouvements de zone sud et de zone nord. Jean Moulin, la mission Passy-Brossolette agissent dans ce sens, mais avec des nuances dans leurs rapports avec les chefs de mouvements ou les représentants des anciens partis politiques. Naît alors le Conseil national de la Résistance (CNR) et aussitôt après survient le drame : les arrestations du général Delestraint et de Jean Moulin, dont on n’a pas encore épuisé les conséquences en septembre 1943.
La matière est d’autant plus riche que l’auteur s’efforce de décrire toutes les activités résistantes. Et pour faire sa part à chacun, il a adopté un plan très chronologique : chaque chapitre est consacré à un mois. Ce parti pris aboutit à un récit très événementiel qui risque de disperser l’attention d’un lecteur qui découvrirait cette période. Par contre, celui qui connaît déjà la trame des faits peut rechercher à travers les chapitres l’évolution des problèmes clés de toute résistance : action immédiate ou à terme, politisation de la résistance armée, nécessités et contraintes de l’aide extérieure. De nombreux documents (notamment des extraits de rapports de Jean Moulin, de Pierre Brossolette, des lettres d’Henri Frenay à Jean Moulin) éclairent particulièrement les points de vue, parfois très divergents, d’hommes menant un même combat. Et parce que ces documents ont été écrits dans le feu de l’action, ils sont passionnants.
Ce livre constitue une importante contribution à l’histoire d’une période encore difficile à évoquer en raison de toutes les passions qu’elle a suscitées. ♦