Henri Laufenburger : Budget et Trésor (2e édition) ; Librairie du Recueil Sirey, 1943 ; 239 pages
La seconde édition de ce volume permet à son auteur de dépasser le domaine purement technique auquel il avait dû se limiter sous l’occupation. Passant rapidement sur les détails juridiques de rédaction et de vote du budget, notre collaborateur Henry Laufenburger s’attache surtout à étudier le budget dans le cadre de l’économie générale, où, d’ailleurs, son importance ne fait que croître, les dépenses publiques représentant à peu près 40 % du revenu national. Du point de vue technique, les règles traditionnelles d’unité et d’universalité budgétaires sont de plus en plus battues en brèche ; mais c’est surtout la règle de l’annualité qui tend à céder la place à la notion de budget de plusieurs années, complément du plan économique, et dont on constate les premières manifestations dans la pratique des crédits d’engagement et des lois de programme. La structure budgétaire, elle aussi, se modifie de plus en plus ; le budget est le reflet de l’interventionnisme croissant de l’État : la notion de service public s’étend de jour en jour et les nationalisations vont encore accroître son domaine, substituant, pour un grand nombre d’entreprises, la notion de productivité à celle de rentabilité.
La doctrine budgétaire moderne a dégagé deux nouveaux aspects du budget : la cyclicité et le phénomène de la redistribution. La notion de l’équilibre, considéré, autrefois, comme devant être annuel, a dû céder devant l’ampleur inéluctable des cycles économiques. M. le professeur Laufenburger n’est, certes, pas un adepte de la théorie du déficit systématique qui mène à l’inflation, même sous la forme du « budget humain » de Beveridge ; mais il affirme que l’équilibre n’est réalisable que dans le cadre du cycle, essentiellement par la pratique des budgets extraordinaires et le jeu alternatif de l’emprunt et de l’amortissement. Il observe, d’autre part, que l’impôt et l’emprunt (qu’il met à cet égard sur le même plan) ne doivent pas être considérés uniquement comme des prélèvements plus ou moins définitifs du revenu du contribuable ou du prêteur : aux recettes succèdent les dépenses publiques. Il y a donc « redistribution » de revenus, ce qui permet à l’État d’intervenir dans la structure économique et sociale du pays.
La dernière partie du livre est consacrée au Trésor public, organisme non doté de la personnalité morale, mais qui manifeste quelques tendances à l’autonomie. Ses rôles sont multiples : il est banquier, dépositaire, distributeur de crédit (avances aux collectivités et aux établissements publics), et surtout il a un rôle monétaire, par les répercussions des avances qu’il demande à la Banque centrale et son action sur le change du Fonds de stabilisation. Avec le développement des bons à court terme, il tend de plus à s’assurer le contrôle du marché monétaire. En conclusion, Henry Laufenburger remarque que l’interventionnisme croissant de l’État accentue l’interpénétration de l’économie et du budget, celui-ci devenant de plus en plus un « instrument de la politique économique et de la politique tout court ».