L’Économie du Monde
Nous avons eu la bonne fortune de lire cet excellent ouvrage au moment même où les gouvernements français et américain publiaient le « Livre jaune » de leurs rapports économiques. Ce document s’est ainsi éclairé, à nos yeux, de la lumière des statistiques et des commentaires de M. Lévy-Jacquemin. On comprend mieux la « bataille des crédits » qui se livre actuellement à Washington et le sens exact de la conversion américaine au libre-échangisme. La difficile ambassade de M. Léon Blum s’est ainsi exactement située à sa place dans la conjoncture économique mondiale.
Le monde s’est placé en face d’une contradiction : les pays occidentaux n’ont plus la possibilité d’avoir des balances commerciales trop régulièrement déficitaires, au moment même où les États-Unis, soucieux d’éviter le chômage massif, se proposent de conduire le commerce mondial vers des conceptions propres à leur assurer des exportations accrues. L’Europe occidentale, pour se relever, a besoin de recourir à d’importantes importations de produits américains, mais son but est de réduire progressivement celles-ci à des proportions raisonnables. Or, les Américains redoutent ces « proportions raisonnables ».
Comment sortir de là ? L’Amérique voudrait que nous fussions uniquement consommateurs. Pour être des consommateurs, il faudrait être solvables. Or, nous ne le sommes pas. Les crédits peuvent nous aider un temps. Mais pour rembourser un prêt, il faut travailler et épargner et cela ne concorde plus avec les intérêts américains. C’est un cercle vicieux. La quintessence du livre de M. Lévy-Jacquemin est dans cette constatation que, pour travailler à plein rendement, les États-Unis devraient faire des cadeaux au reste du monde. C’est ce qu’ils ont fait pendant la durée des hostilités : le système du lend-lease n’a été autre chose que l’armement gratuit des Alliés par les Américains. Est-ce que les institutions issues de Bretton Woods suffiront à remplacer ce système ? Il s’agit d’un retour au libre-échangisme. Il contraint l’Angleterre à renoncer à la préférence impériale. Et elle ne l’accepte qu’en échange d’un important crédit en dollars à long terme. Si un semblable crédit nous est refusé, nous ne pourrons pas accepter, nous non plus. M. Lévy-Jacquemin écrit fort justement qu’il faut laisser à la France « le temps nécessaire pour recouvrer sa puissance amputée et pouvoir à nouveau soutenir le train mondial ». Reconstruction d’abord !
Ce livre est, d’ailleurs, un miroir à multiples facettes et si nous avons surtout découvert les préoccupations actuelles, le lecteur y trouvera les réponses à toutes les questions qu’il se pose, à propos des rapports économiques mondiaux.